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Strasbourg
Opéra national du Rhin
05/21/2021 -  et 23, 25*, 27, 29 mai (Strasbourg), 5 (Colmar), 13, 15 (Mulhouse) juin 2021
Georg Friedrich Haendel : Alcina, HWV 34 (version abrégée)
Ana Durlovski (Alcina), Elena Sancho Pereg (Morgana), Diana Haller (Ruggiero), Marina Viotti (Bradamante), Tristan Blanchet (Oronte), Arnaud Richard (Melisso), Clara Guillon (Oberto), Jean-François Martin (récitant)
Orchestre symphonique de Mulhouse, Christopher Moulds (direction)


(© Klara Beck)


On peut avoir une opinion plus ou moins haute de la production de Haendel à l’opéra, industrie de série où parfois même un génie écrit trop vite. Mais dans cet univers d’une extrême variété, Alcina appartient assurément au dessus du panier, sans aucune faiblesse en dépit de ses trois heures de durée. Rien à couper, tout à garder, même si possible les séquences de ballet. Et si par exemple le rôle-titre, écrit pour la prestigieuse Anna Maria Strada del Pò, prima donna haendélienne de haut vol, ne comporte pas moins de six grands airs, c’est évidemment à dessein. En supprimer deux, même en sacrifiant les moins intenses, ne peut que nuire à la construction du personnage, le climax absolu d’« Ah, mio cor ! Schernito sei! » arrivant beaucoup trop tôt.


Mais inutile de se plaindre. A peine deux semaines auparavant, cette Alcina n’était même pas envisageable en public. La réouverture des salles, alors même que le couvre-feu reste fixé à 21 heures, impose non seulement une jauge de spectateurs réduite mais l’absence d’entracte et un spectacle court. Donc mieux vaut un chef-d’œuvre de Haendel taillé en pièces que pas de représentation du tout. Cette version de concert abrégée prend des allures de gala lyrique en (jolis) costumes, où chaque chanteur vient pousser son air à la rampe puis repart, le comédien strasbourgeois Jean-François Martin assurant un peu de liant entre chaque intervention, en commentant les stratégies sentimentales du livret. Tout est dit en une heure cinquante. L’aperçu est significatif, mais pour qui connaît bien l’œuvre, il en limite quand même beaucoup les reliefs et les perspectives.


Place donc au défilé des voix, où ce sont évidemment les plus énergiques qui raflent la mise. Marina Viotti n’a plus que deux airs à chanter en Bradamante, les vindicatifs « E gelosia » et « Vorrei vindicarmi », qu’elle projette avec son beau timbre de mezzo bien percutant. Le plus apaisé « All’ alma fedel », qui permettrait utilement de compléter cette composition très univoque, manque. Pour la Morgana d’Elena Sancho Pereg, sauter pour ainsi dire à pieds joints dans le rôle en commençant par le brillant « Tornami a vagheggiar » est très favorable, les plus méditatifs « Ama, sospira » et « Credete al mio dolore », magnifiques dialogues avec instruments obligés, nous la révélant plus loin trop ténue et monochrome pour rendre pleinement justice à ces autres facettes du rôle. En Ruggiero, rôle que de nombreux contre-ténors se sont approprié ces dernières années, Diana Haller renoue avec une tradition de vocalité féminine plus usuelle, dans la lignée confortable des Berganza, Kasarova et autres Susan Graham. Pour juger du résultat il ne reste que trois airs, avec en apothéose un « Sta nell’ircana pietrosa tana » sans reproche mais qui manque de panache. Les comparses, à ce jeu de peau de chagrin, ne sont plus que des silhouettes, quant à l’Alcina d’Ana Durlovski, assez réservée au début, elle prend progressivement ses marques dans ses deux sublimes déplorations, « Ah, mio cor » et « Mi restano le lagrime », très dignement phrasées.


Joli travail d’acclimatation de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, auquel Christopher Moulds a réussi à inculquer une vraie culture d’expressivité baroque. Techniques d’archet revisitées, cordes spécifiques, avec les problèmes d’accord qui vont avec : une ambiance historiquement informée de bon aloi. Somme toute les ingrédients d’une bonne production, qui en des temps moins troublés, avec la mise en scène initialement prévue (Serena Sinigaglia : un travail que Nancy a pu voir in extremis en mars 2020, juste avant que le couperet tombe), aurait pu faire date.



Laurent Barthel

 

 

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