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Le Capitole de Toulouse sous le choc Elektra

Le Capitole de Toulouse sous le choc Elektra

Le spectacle reprend enfin avec des spectateurs de retour dans les salles mais le cauchemar n’est pas fini pour autant. Le Capitole de Toulouse affiche une Elektra de Strauss terrifiante dont les mélomanes ressortent en état de choc mais aussi gagnés par la liesse. Explications...

Ricarda Merbeth (Elektra) (c) Mirco Magliocca

Ricarda Merbeth (Elektra) (c) Mirco Magliocca

En ce soir de match de rugby, il régnait à Toulouse une atmosphère électrique mais pour palper la tension dramatique, rien de tel qu’une spectaculaire Elektra au Théâtre du Capitole ! Le 25 juin 2021, la ville rose a brandi bien haut le bouclier de Brennus après avoir tremblé devant la hache vengeresse de l’héroïne de Richard Strauss. A l’issue de la représentation, les spectateurs ayant auparavant sagement respecté les gestes barrières avec masque, gel et un siège de distance sont passés en un clin d’oeil de l’ambiance mortifère à la liesse populaire et aux applaudissements ad hoc (dressant de manière inattendue un intéressant parallèle avec l’actualité sanitaire de ces dernières semaines). Le Théâtre et l’Orchestre du Capitole de Toulouse ont facilement renoué avec leur public fidèle, heureux de pouvoir se réapproprier ces deux acteurs essentiels de la culture.

A Toulouse, Fau transforme l’essai

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Ricarda Merbeth (Elektra), Violeta Urmana (Clytemnestre) (c) Mirco Magliocca

Le quatrième opéra de Richard Strauss est une œuvre exigeante que le compositeur a imaginé pour un très grand orchestre. L’exigüité de la fosse et les distanciations imposées entre les musiciens a obligé la formation à monter d’un étage et c’est donc sur scène, dissimulé derrière un magnifique rideau de scène peint par Phil Meyer, que l’Orchestre national du Capitole a été dirigé par Frank Beermann. Le chef allemand étonnamment peu connu de ce côté du Rhin (il a dirigé un exceptionnel Parsifal ici même) a fait une très forte impression. Alors qu’il est facile de la surcharger en décibels, sa direction a conduit le grandiose orchestre (l’un des plus beaux de France) vers des subtilités et des raffinements remarquables. L’affrontement Klytämnestra/Elektra tout en douceur et perversité larvée était tout particulièrement réussi. L’autre révélation du spectacle est contre toute attente Michel Fau car les amateurs d’opéra connaissent et apprécient ses excellentes mises en scène d’œuvres plutôt légères. Le voir prendre le pouls de cet opéra malade est une surprise. Avec des poses dramatiques très marquées d’un autre temps (sa signature), il est aux antipodes du naturalisme à la Patrice Chéreau et parvient pourtant à construire un univers d’une intensité redoutable. Fau glisse avec intelligence de nombreuses références au cinéma muet et au théâtre antique (les servantes se muent en Érinyes). La tenue hollywoodienne de Klytämnestra contraste avec la robe fanée de jeune communiante d’Elektra pour qui le temps s’est arrêté. Les magnifiques costumes signés Christian Lacroix caractérisent les personnages avec pertinence. 

Un cauchemar de rêve

Matthias Goerne (Oreste) (c) Mirco Magliocca

Matthias Goerne (Oreste) (c) Mirco Magliocca

La distribution réunie par Christophe Ghristi le directeur du Capitole est tout simplement exceptionnelle. Violeta Urmana est une Klytämnestra de rêve. Alors que la large tessiture vocale de la grande artiste n’a pas toujours été un atout, elle trouve ici un rôle à sa mesure osant les graves expressifs et un quasi-parlando maitrisé. Le célèbre « He! Lichter! Lichter! » et l’hystérie contenue des rires contrastent avec l’Oreste statique incarné par Matthias Goerne au sommet de son art. La présence irréelle du baryton qui nous offre une nouvelle leçon de beau chant est accentuée par cette voix sublime venue d’ailleurs. Johanna Rusanen n’est sans doute pas dans la même plénitude vocale, elle campe néanmoins une Chrysothemis convaincante. Frank van Aken chante Aegisth plus qu’il ne le crie et cette différence est considérable pour un rôle qui prend alors une dimension rarement atteinte. Parmi les rôles secondaires eux aussi parfaitement distribués, se distinguent le ténor Valentin Thill et la soprano Marie-Laure Garnier qui en quelques phrases marquent les esprits. Ricarda Merbeth a attendu sagement avant d’aborder le rôle écrasant d’Elektra qu’elle chante depuis 2018 seulement. Son grand air d’entrée "Allein, weh, ganz allein" surprend car il ne saisit pas dès les premières notes. Dotée d’un souffle impressionnant, la soprano opte pour une captivante montée en puissance qui atteint un paroxysme final avec des aigus stupéfiants. La voix est menée avec une précision et une tenue parfaite et s’agissant de ce rôle, elle impressionne au-delà des mots.

Elektra est un opéra parfois éprouvant. Au Capitole de Toulouse où solistes, orchestre et metteur en scène se sont partagés l’excellence, les spectateurs sont sortis en état de choc, comblés par ce spectacle cauchemardesque idéal, une représentation de rêve !

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