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​La Traviata aux Arènes de Vérone – Routinier – Compte-rendu

Ceux qui se rendent depuis toujours aux Arènes de Vérone sont avant tout des amateurs d’opéra qui se fichent pour la plupart des mises en scène et préfèrent applaudir des gosiers, si possible en or. Cette année à côté de véritables poids lourds du lyrique tels que Turandot, Aida, Cavalleria rusticana et autre Nabucco, La Traviata était également à l’affiche, l’occasion de retrouver Sonia Yoncheva dans le rôle-titre, quelle n’avait pas repris depuis plusieurs années. Réglé sans la moindre exigence par les membres de la Fondation Arena di Verona avec l’aide du collectif D-Wok auteur d’affreux décors et d’images vidéo sans intérêt (tableaux célèbres, Tour Eiffel ou jardin sous la neige…), le spectacle n’offre aucune satisfaction visuelle et donne la terrible sensation d’être improvisé sous nos yeux. Le Paris de la IIIème République y est lointainement évoqué par le biais de costumes aussi laids que criards, la production ne lésinant ni sur le nombre de figurants qui s’agitent en tous sens, ni sur la présence attendue de danseurs tout excités de tendre le jarret et de se trémousser dans leurs atours colorés au II chez Flora. Ce qui se passe sur cette scène démesurée est donc affligeant, les principaux protagonistes se contentant de brasser du vent et de se présenter face au public main sur le cœur, comme au bon vieux temps.
 

George Petean (Germont Père) & Sonya Yoncheva (Violetta) © Foto Ennevi 

Sonia Yoncheva chante Violetta correctement, à l’exception tout de même des aigus, esquissés, du « Sempre libera » désormais hors de sa portée, sans dommage majeur, mais avec une distance et une platitude qui ne permettent pas de déceler une véritable interprétation de l’héroïne. Jusqu’à la mort de la dévoyée, qu’elle brave en Walkyrie plutôt qu’en malade de la phtisie, la cantatrice bulgare tient son rang sans pour autant traduire un seul instant ce qu’endure son personnage, s’économisant au passage en ne donnant ni l’intégralité du « Ah fors’è lui », ni le second couplet d'« Addio del passato » … La présence à ses côtés de Vittorio Grigolo en Alfredo, toujours ardent et solaire de timbre et en nets progrès par rapport à ses débuts où ses allures de chien fou pouvaient le desservir, est plutôt motivante. Plus concentré, plus concerné aussi, le ténor italien fait plaisir à entendre, sa manière de mettre du cœur à l’ouvrage (belle cabalette conclue par un ut au second acte) et à chanter avec passion, tranchant avec la mollesse de sa consœur. Le Roumain George Petean est un Germont père au chant digne et plein, mais à l’expression un rien uniforme, entouré d’honnêtes comprimari, Clarissa Leonardi (Flora), Carlo Bossi (Gastone) et Natale de Carolis (d’Obigny) notamment.

A la baguette, Francesco Ivan Ciampa ne réussit pas à s’extraire d’une certaine routine, la masse orchestrale aux sonorités fluctuantes occasionnant de nombreux décalages et de fréquentes distorsions qui oblitèrent la plupart des nuances pourtant primordiales chez Verdi.

François Lesueur

Verdi : La Traviata – Arena di Verona, 19 août 2021
 
Photo © Foto Ennevi

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