A Montpellier, le triste one-man-show de Rigoletto

- Publié le 4 octobre 2021 à 14:22
Marie-Eve Signeyrole propose une relecture radicale du le chef-d'œuvre de Verdi, au détriment de la musique et des émotions qu'elle véhicule. Difficile, dans ces conditions, d'apprécier à leur juste valeur la prestation du chef Roderick Cox et celle de Gezim Myshketa dans le rôle-titre.. 
Rigoletto

« Pitch du one-man show de Rigoletto » : le spectateur intrigué qui lit avec attention le flyer qu’on vient de lui distribuer, comprend finalement qu’il ne s’est pas trompé de salle, mais qu’il doit se préparer sagement à découvrir la nouvelle proposition de la metteuse en scène Marie-Eve Signeyrole. Fidèle à l’idée – sujette à caution – selon laquelle on ne peut attirer un nouveau public à l’opéra qu’en modernisant l’action, elle fait le choix peu original d’abandonner le vieux livret de Piave, sans doute inaccessible à ces jeunes cerveaux, au profit d’une histoire de son propre cru. Tout se passe désormais dans la tête d’un Rigoletto devenu humoriste et imitateur qui « se met en scène et invente l’enlèvement de sa fille » avant que « hanté par ses obsessions schizophréniques », il ne finisse par la tuer, comme il avait déjà tué sa femme (Maddalena).

Disposition dangereuse

Du fait de cette mise en abîme, les artistes évoluent non seulement sur scène, mais aussi devant l’orchestre et dans la salle, les courtisans, devenus une bande de groupies agitées et bruyantes du « stand-upper », chantant depuis les premiers rangs, le dos tourné au public. Cette disposition se révèle troublante pour le spectateur tant d’un point de vue visuel que sonore, mais également dangereuse pour les artistes et le jeune chef Roderick Cox, qui déstabilisé, se fait hésitant, entraînant des décalages récurrents entre scène et fosse.

On ne peut que rester admiratif devant la performance scénique d’un Rigoletto contraint d’interpréter à lui seul tous les rôles, même si le fait de le voir sans cesse grimacer sur l’avant-scène s’avère à terme un rien agaçant. Sans être d’une grande subtilité, Gezim Myshketa est par ailleurs un baryton honnête, au timbre sombre et chaleureux dont le « Cortigiani » aurait pu séduire en d’autres circonstances.

Cachez cette Gilda

On n’apercevra que l’espace de quelques secondes le visage, pourtant charmant, de Julia Muzychenko, la malheureuse Gilda étant condamnée à rester cachée pendant tout le spectacle : son magnifique « Caro nome » sera mimé par Rigoletto grimé en femme. Elle parvient malgré tout à imposer sa présence vocale par une prestation remarquable : timbre clair et rond, vocalises précises et raffinées. En comparaison, le duc-impresario de Rame Lahaj est bien pâlichon, la voix sombre et chaude manquant totalement de projection dans cette salle à l’acoustique ingrate.

Rihab Chaieb est une Maddalena élégante, au mezzo-soprano agréable et vigoureux, tandis que Luiz-Ottavio Fario (également invisible car double négatif de Rigoletto), propose un beau Sparafucile aux accents de Commandeur. Les seconds rôles sont tous également de qualité.

Même s’il peut être parfaitement divertissant de voir Rigoletto se balader à dos de rhinocéros avec Gilda pendant que le duc tente de la séduire, avouons avoir eu quelques difficultés à saisir toutes les subtilités d’une production où l’on s’agite beaucoup au détriment de la musique et qui laissera le public perplexe. Sans doute les néophytes pourront-ils prétendre avoir entendu l’opéra de Verdi, mais une chose est certaine, l’émotion habituellement si prégnante dans ce chef-d’œuvre, n’était pas au rendez-vous.

Rigoletto de Verdi. Corum de Montpellier, le 1er octobre.

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