On sait gré à l’Opéra de Metz d’avoir reproposé ce Comte Ory, initialement programmé lors de la saison 2019-2020, mais qui avait dû être annulé en raison de la pandémie. Le spectacle était en effet très attendu en raison d’une affiche particulièrement alléchante… Notre attente et notre patience n’ont pas été déçues, et c’est un spectacle globalement fort réussi qui a été présenté au public pour cette ouverture de saison.

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Le Comte Ory à l'Opéra de Metz
© Arnaud Hussenot / Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

En jouant la carte de l’humour sans céder à la tentation d’une mise en perspective, grave et accusatrice, avec des questionnements actuels (la prédation sexuelle ou les violences faites aux femmes), la mise en scène respecte la tonalité de l’œuvre, laquelle ressortit largement à la farce ou la grivoiserie un peu facile. Fort heureusement, Sylvie Laligne n'appuie pas l’humour un peu lourd de certaines scènes (la longue scène de la beuverie des fausses nonnes n’est pas ce que Scribe et Rossini ont imaginé de plus subtil…) ; la fraîcheur naïve de la mise en scène, des décors et des costumes, qui n’est pas sans rappeler l’esthétique des spectacles de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, est plutôt la bienvenue. Tous les gags ne font pas mouche avec la même efficacité, mais certains sont très drôles (les coiffes des suivantes de la Comtesse, qui font aussi office de distributeurs de mouchoirs !), et la tonalité humoristique du spectacle sait se faire discrète, voire s’effacer dans les scènes plus sérieuses. Merci notamment à Sylvie Laligne d’avoir préservé la subtilité, le charme et l’érotisme du trio du second acte sans susciter, par des gags faciles, les rires du public qui trop souvent mettent à mal la teneur poétique de cette page, l’une des plus raffinées jamais composées par Rossini.

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Le Comte Ory à l'Opéra de Metz
© Arnaud Hussenot / Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

À la tête d’un Orchestre National de Metz et de chœurs (ceux de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz) en bonne forme, Corinna Niemeyer propose une lecture de l’œuvre parfaitement conforme à l’esthétique rossinienne : légère mais dynamique, amusante et poétique. Les tempos sont vifs (à quelques exceptions près : le chœur « Ô bon ermite, vous notre appui » et la cabalette du gouverneur qui s’ensuit gagneraient à être pris à un rythme plus alerte), la gravité de l’entrée de la Comtesse ou de la tempête quasi gluckiste qui ouvre le second acte respectée, la poésie du trio nocturne préservée. Dans une partition où la moindre imprécision peut s’avérer fatale, on ne remarque guère de dérapages, à l’exception d’un léger décalage habilement rattrapé dans la conclusion de l’air d’Adèle.

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Le Comte Ory à l'Opéra de Metz
© Arnaud Hussenot / Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

Le Comte Ory de Patrick Kabongo était particulièrement attendu : le ténor, qui a déjà chanté le rôle en 2012 sous la direction de Jean-Christophe Spinosi, y fait montre d’une aisance étonnante. Les aigus et suraigus sont faciles, avec, comme il se doit dans ce répertoire, un usage pertinent de la voix mixte et du falsetto, la virtuosité n’est jamais prise en défaut, le legato de « Noble châtelaine, voyez notre peine… » est souverain. Le ténor français, plus que jamais, apparaît comme l’un des meilleurs rossiniens du moment. On retrouve avec bonheur la Comtesse Adèle de Perrine Madoeuf, qui avait triomphé dans ce même rôle à Rouen en 2019. En ce soir de première, la voix a besoin d’un peu de temps pour que l’émission trouve toute sa stabilité. Mais la soprano délivre alors une très belle leçon de virtuosité élégante et sensible, laquelle se double par ailleurs de vrais talents de comédienne. La voix, naturellement ancrée dans le grave – ce qui n’empêche nullement une belle aisance dans l’aigu – serait sans doute particulièrement bien adaptée aux reines donizettiennes ou à certains Rossini sérieux (Semiramide) : puissent les directeurs de salles y songer…

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Le Comte Ory à l'Opéra de Metz
© Arnaud Hussenot / Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

En Isolier, Catherine Trottmann déploie un joli timbre de mezzo, à l’aigu facile et à la virtuosité suffisamment aguerrie pour rendre justice au difficile duo « Une dame de haut parage ». La chanteuse se révèle en outre particulièrement crédible scéniquement. Quant à Armando Noguera, qui de toute évidence s’amuse beaucoup sur scène, son timbre sonore se distingue dans les ensembles dès avant son air du second acte, dans lequel il fait entendre une ligne de chant soignée ainsi qu’une belle maîtrise des coloratures. La distribution est complétée par le Gouverneur bonhomme et stylé d’un Leonardo Galeazzi au français très compréhensible et la truculente Dame Ragonde de Cécile Galois.

L’Opéra de Metz n’était pas tout à fait plein pour cette première : c’est un peu surprenant pour un titre aussi populaire servi par une aussi belle distribution. Faut-il l’expliquer par une reprise encore timide de la fréquentation des salles en cette période (presque) post-Covid ? Quoi qu’il en soit, si vous êtes en Lorraine ces jours-ci, ne manquez pas ce spectacle, donné à l’Opéra de Metz jusqu’au 5 octobre.


Le voyage de Stéphane a été pris en charge par l'Opéra-Théâtre de Metz.

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