Opéra
La princesse jaune de Camille Saint Saëns et Djamileh de Georges Bizet à l’Opéra de Tours

La princesse jaune de Camille Saint Saëns et Djamileh de Georges Bizet à l’Opéra de Tours

07 October 2021 | PAR La Rédaction

Nous étions hier soir à l’opéra de Tours pour l’ouverture de la saison lyrique programmée par Laurent Campellone, son nouveau directeur, avec deux mini-opéras rares, La princesse jaune de Camille Saint Saëns, et Djamileh de Georges Bizet.

Par Laurent Couson

Après les multiples « stop-and-go » imposés par le rythme du Covid durant les deux dernières saisons, l’orchestre de Tours pouvait enfin retrouver son public de la saison lyrique hier soir au grand théâtre de Tours. L’attente était importante, non seulement due à la privation de spectacles que nous avons subi, mais aussi par l’arrivée d’une nouvelle direction à l’opéra de Tours, après deux années houleuses entre l’ancien directeur et son orchestre, ponctuées de vives tensions.

Pour son ouverture de saison lyrique, Laurent Campellone, fait le choix de suivre une de ses spécialités, la redécouverte d’ouvrages lyriques français un peu oubliés du 19e siècle, avec ces deux opéras en un acte signés de deux maîtres du genre.

Deux opéras “orientalistes”

La princesse jaune et Djamileh sont deux opéras de mode « orientaliste » : le premier parle de la fascination d’un jeune hollandais pour le portrait d’une femme japonaise, lui faisant oublier la réalité de l’amour que lui porte sa jeune cousine Lena, au profit d’un fantasme pour cette représentation de femme asiatique dont il voudrait tant qu’elle est les traits et la grâce, le deuxième est l’histoire de l’Égyptienne Djamileh, jeune esclave amoureuse de son maitre, qui finira par la prendre pour femme.

L’art de la mélodie et de l’orchestration des deux compositeurs se déploient dans des écritures audacieuses, souvent surprenantes, chez Saint Saëns en allant chercher les sonorités et modes asiatiques, chez Bizet les volutes orientales et une grande variété rythmique, faisant de ces deux ouvrages deux petits bijoux qu’il est heureux de redécouvrir. Ils laissent aussi préfigurer les deux chefs d’œuvres des compositeurs : Samson et Dalila et Carmen.

Direction et voix exquises

Laurent Campellone prend un gout exquis à sortir chaque détail de ces musiques minutieuses, dont il maitrise parfaitement les tempis, l’équilibre et la clarté. C’est un orchestre de Tours lumineux, très aéré, qui se déploie sous la baguette de son nouveau directeur, et permet d’apprécier la qualité des solistes, avec un pupitre de bois d’une grande finesse et une partie de harpe soliste virtuose tenue avec excellence par Louise Ollivier.

Le casting vocal est lui aussi sans faille avec la soprano Jenny Daviet, qui livre une fragile et délicate Lena, magnifique clarté du timbre dans les difficiles airs de Saint-Saëns, et un grand sens de l’équilibre des nuances avec l’orchestre, en plus de réaliser la performance de jouer de longs monologues en alexandrins un peu datés du librettiste Louis Gallet, qui fait aussi la part belle au théâtre dans les deux ouvrages.

Le ténor Sahy Ratia, très inspiré, interprète magistralement Kornélis, dans sa fascination hallucinée pour cette beauté d’orient, et module son timbre quand il revient à la réalité, et voit enfin l’amour à ses côtés. On le retrouve dans le rôle du puissant Haroun, le maitre et amant de Djamileh. À ses côtés, Philippe-Nicolas Martin livre un Splendiano manipulateur très subtilement, épousant les difficultés rythmiques et les surprises harmoniques de la partition de Bizet.

Enfin, en Djamileh, Aude Extremo, l’une des plus belles voix de mezzo actuelle, enfin doit-on dire mezzo-soprano, et ce terme prend tout son sens particulièrement dans cet ouvrage de Bizet, qui déjà pousse les limites de la tessiture, comme il le fera dans Carmen quelques années plus tard. Ce rôle exigeant, à la fois celui d’une femme soumise et forte, est de ceux qui exigent d’une chanteuse d’opéra une maturité et un engagement total, et encore une fois, Aude Extremo livre une performance parfaite, avec sa voix expressive riche et nuancée, qui lui a déjà valu le succès de quelques-unes des plus grandes scènes européennes.

Une mise en scène un peu statique

Un petit bémol sur une mise en scène un peu statique et très « gestes barrières » (chœurs toujours masqués, chanteurs à bonne distance les uns des autres) qui n’aide pas les chanteurs à entrer dans la passion de leurs personnages, notamment les deux héroïnes amoureuses, qui ont pour point commun de vouloir ouvrir les yeux, souvent fermés, d’hommes égoïstes. N’aurait-on pas voulu sentir un peu plus ces enjeux et ce lien entre les deux rôles féminins, et peut-être aussi mettre plus en avant cet orientalisme fantasmé de ces deux ouvrages du XIXe siècle ?

On salue la qualité de cette soirée, qui préfigure d’une belle saison lyrique et symphonique à l’opéra de Tours, où son nouveau directeur impose une marque nouvelle, une grande qualité musicale, et une programmation de premier plan avec la venue de grands noms de la direction cette saison (Marc Minkowski, Jean Claude Casadesus…) qui vont redonner, à n’en pas douter, le sourire aux musiciens de ce bel orchestre et aux cœurs des Tourangeaux.

visuels : © Marie Pétry

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