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Coronis, une zarzuela baroque pour Comique

Coronis, une zarzuela baroque pour Comique

Il se passe toujours quelque chose à l’Opéra Comique de Paris. Entre grand répertoire, redécouvertes  et découvertes, les mélomanes friands sont comblés comme ce soir où ils ont rendez-vous avec l’Espagne et un genre peu connu. Compte-rendu…

Coronis / Opéra Comique © Stefan Brion

Les fidèles de l’Opéra Comique se souviennent des dernières vicissitudes covidesques qui ont malmené les représentations de Roméo et Juliette sauvées in extremis. Heureusement plus de soucis le 15 février 2022, Pene Patti au loin, le ténor touché par la grâce n’a pas eu besoin de revenir pour faire un nouveau miracle. Il est étonnant toutefois que le public toujours curieux de la Salle Favart ne se soit déplacé qu’aimablement pour découvrir une œuvre inédite d’un genre rare. Point de pèlerinage vers Coronis, zarzuela baroque créée à Madrid entre 170 et 1706 par Sebastiàn Durón et pourtant, la nymphe qui donne son nom à l’œuvre méritait sans doute plus de dévotion surtout incarnée par une divine Marie Perbost.

La zarzuela, c’est ça !

Marielou Jacquard (Apolo), Marie Perbost (Coronis), Eugénie Lefebvre (Iris), Victoire Bunel (Sirène), Anthea Pichanick (Ménandro), Stephan Olry (Marta), Alice Botelho, David Cami de Baix, Caroline Le Roy, Ely Morcillo, Michaël Pallandre (danseurs et acrobates) © Stefan Brion

Comme le dit très justement le grand spécialiste Pierre-René Serna dans le programme de salle réalisé avec soin : « La zarzuela, genre lyrique éminemment espagnol, reste encore un mystère pour bon nombre de mélomanes… ». Avec des alternances de parties chantées et parlées, le genre se rapproche de notre opéra-comique national à ceci près que la zarzuela est née un siècle plus tôt. A l’origine, les sujets étaient tous mythologiques avec un final heureux et autre particularité, les distributions étaient presque exclusivement féminines. Chaque règle possédant ses exceptions, Coronis ne contient que des parties chantées où excellent la plupart des artistes. Côté musique, même si l’on peut entendre quelques instruments « exotiques » comme les castagnettes et la guitare, bien savant est celui qui peut distinguer les spécificités. Vincent Dumestre à la tête de son Poème Harmonique s’est investi pour nous faire entendre cette superbe découverte. Véritable régal, la partition très variée est parfaitement incarnée par le chef et ses musiciens au diapason baroque. L’heureuse acoustique de Comique permet à la fosse de dialoguer idéalement avec un plateau fourni. Avec une succession d’arias, les sept artistes distribués ont tous l’occasion de briller sur scène malgré une mise en scène plutôt hystérique. Est-ce la peur du vide qui pousse Omar Porras à surcharger le propos pourtant simple ? La jolie nymphe partagée entre Apollon et Neptune optera pour celui qui terrasse Triton, l’amoureux sincère trop insistant. La lecture à la lettre a le mérite de la lisibilité mais des décors bigarrés et des feux d’artifice à profusion finissent par lasser comme les mouvements des chanteurs et des divers circassiens venus meubler. Les chanteurs acteurs défendent leur partition avec conviction dans des costumes sans doute au comble de la modernité dans les années 80.

La couronne sur la tête de Coronis

Caroline Le Roy et Michaël Pallandre (danseurs-acrobates) © Stefan Brion

Enlaidies, Victoire Bunel et Anthea Pichanick campent néanmoins avec talent le couple bouffon Sirène/Ménandro. Avec des voix bien timbrées, elles se distinguent aisément et délivrent une très jolie leçon de beau chant avec beaucoup de naturel. Les pétaradants feux d’artifice qui accompagnent les entrées des dieux desservent leurs interprètes. Aussi charmante soit-elle, la soprano Marielou Jacquard incarne un Apolo de petite envergure avec un aigu parfois peu assuré. Malgré de beaux moyens vocaux, Caroline Meng manque également de mordant dans le rôle central de Neptuno. La mezzo se distingue plus en seconde partie dans un registre plus calme. Ce soir de deuxième représentation enchaînée, les artistes peuvent accuser une légère fatigue vocale. Avec son timbre délicieusement fruité, Isabelle Druet, admirable Triton au disque*, se fait parfois couvrir par la dévorante Coronis malgré sa conduite maitrisée. En Protée, le ténor Cyril Auvity seul soliste masculin apporte une caractérisation attrayante avec ses intonations et une voix parfois blanche qui séduit dans un rôle ingrat. Quasiment de toutes les scènes, Marie Perbost apporte le triomphe à Coronis grâce à une plénitude et une puissance vocale, certes accessoire dans ce répertoire mais décoiffante ! Une musique que l’on réécoutera avec plaisir, servie par des interprètes de très bon calibre font tout le charme de cette soirée réussie malgré une production qui semble avoir trouvé son public malgré tout.

*Pour prolonger le plaisir de l’écoute, l’enregistrement de Coronis vient de sortir fort à propos chez Alpha Classics.

Le Trio Sōra donne sa voix au Philharmonique de Radio France

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Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid duo spiritual

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