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L’humain au cœur

Gent
Opera Vlaanderen
04/02/2022 -  et 13, 15, 16, 18, 19, 20, 22, 25 mars (Anwerpen), 3, 5, 6, 9, 10*, 13, 14, 15 (Gent) avril, 11, 13, 14 juin (Lille) 2022
C(H)ŒURS 2022
Alain Platel (concept, mise en scène, scénographie), Giuseppe Verdi et Richard Wagner (musique)
Zoë Ashe‑Browne, Viktor Banka, Bérengère Bodin, Quan Bui Ngoc, Juliet Burnett, Morgana Cappellari, Misako Kato, Morgan Lugo, Aaron Shaw, Paul Vickers, James Vu Anh Pham, Laura Walravens, Shelby Williams, Lateef Williams (danseurs), Adam Laghrim, Younes Laghrim, Lou Vanrafelghem, Mai Bui Vercoutere (enfants)
Reisha Adams (soprano), Koor Opera Ballet Vlaanderen, Jan Schweiger (chef de chœur), Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, Alejo Pérez (direction musicale)
Carlo Bourguignon (lumières), Dorine Demuynck (costumes)


(© Opera Ballet Vlaanderen)


En 2020, l’Opéra des Flandres devait monter une nouvelle version de C(H)ŒURS, mais elle a dû être reportée à cause de la pandémie, comme le Così fan tutte d’Anne Teresa De Keersmaeker, qui figurait à l’affiche cet hiver. Ce spectacle conçu par Alain Platel a déjà été représenté à la Monnaie en 2013, un an après sa création à Madrid. Le chorégraphe et metteur en scène originaire de Gand a fait évoluer sa création tout conservant les fondements.


Le principe reste inchangé. Sur des extraits d’œuvres de Verdi (Messa da Requiem, Nabucco, Aida, Macbeth, La traviata) et de Wagner (Lohengrin, Tannhäuser, Die Meistersinger von Nürnberg), qui revêtent dans ce contexte une puissance évocatrice insoupçonnée, des choristes et des danseurs se mêlent sur un plateau dénudé, pour une performance relevant et de la danse et du manifeste politique. Bien plus qu’une simple chorégraphie, C(H)ŒURS gagne par ce procédé une dimension particulière et assez unique. Autres constantes : la tension, la confrontation, jusque dans la musique de deux compositeurs contemporains souvent opposés. Mais le concept épouse l’Histoire et les tendances, trouve un écho supplémentaire dans ce qu’il se passe dans le monde – la guerre en Ukraine, évidemment. Cette œuvre actuelle et nécessaire en ces temps incertains menacés par l’individualisme et le repli identitaire prendrait sans doute une trajectoire encore différente dans dix ans, vingt ans ou plus.


Revoir ce spectacle nous permet de prendre encore plus conscience de sa teneur profondément humaniste et pluraliste, ce qui se reflète dans la diversité ethnique des chanteurs et des danseurs. Un des moments les plus marquants demeure celui durant lequel chacun décline son identité en brandissant une pancarte comportant un mot qui lui tient à cœur, l’un d’eux écrit en alphabet cyrillique sans que cela provoque heureusement de contestation dans la salle. La conclusion, splendide, montre les choristes serrant et desserrant leurs mains à la paume recouverte de rouge, symbole d’autant de cœurs battant à l’unisson.


L’institution flamande comporte un corps de ballet, tout aussi formidable que les choristes, qui confirment leur excellente réputation. Alain Platel organise les mouvements en virtuose, créant des effets vraiment superbes, face auxquels il est difficile de résister, même pour les plus réfractaires à la danse contemporaine. Les artistes accomplissent une impressionnante performance, intense et physique, à certains moments très ancrée au sol, à d’autres plus aérienne, tantôt explicite, tantôt métaphorique, très organique et sensorielle, en tout cas, avec un impact sonore prononcé, entre musique, chant, parole, cri, suffocation, respiration. La prestation absolument irréprochable de l’orchestre, dirigé par Alejo Pérez, valorise fortement le spectacle, malgré la fascinante prestation des danseurs et des choristes – à noter également la brève, mais honorable, contribution, vers la fin, de la soprano Reisha Adams.


Le public ovationne debout les acteurs de ce spectacle, preuve, sans doute, qu’il a été touché et convaincu, mais à l’Opéra des Flandres, il se lève presque systématiquement pour applaudir, ce qui ne présente plus de réelle signification. Il reste à l’Opéra royal de Wallonie de monter à son tour en Belgique ce spectacle engagé, démarche, toutefois, des plus improbables, compte tenu de sa programmation et de sa politique artistique si différentes de celles de la Monnaie et de l’Opéra des Flandres. Immédiatement captivant, véritable hymne à la tolérance et à la liberté, C(H)ŒURS mérite d’être vu et revu.



Sébastien Foucart

 

 

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