Après Dante de Benjamin Godard et Cendrillon de Nicolas Isouard lors de la saison 2018-2019, voici une nouvelle coproduction entre le Palazzetto Bru Zane et l’Opéra de Saint-Étienne. La série de trois représentations fait évènement : la partition remise sur le métier est le drame lyrique Lancelot, qui décrit les amours secrètes du chevalier de la Table ronde avec la reine Guenièvre, un ouvrage signé Victorin Joncières dont le Palazzetto avait publié en 2014 le grand opéra Dimitri.

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Lancelot à l'Opéra de Saint-Étienne
© Cyrille Cauvet

Le spectacle est confié à Jean-Romain Vesperini pour la mise en scène et Bruno de Lavenère pour les décors, les deux compères, déjà aux commandes de Dante en mars 2019, se chargeant également des costumes. La pièce maîtresse de la scénographie est un grand disque circulaire formant un praticable sur le plateau, mais pouvant aussi tourner et se soulever à l’aide de vérins. On reconnaît d’ailleurs le dispositif utilisé par le même scénographe à l’Opéra de Nice lors de deux de ses derniers spectacles, Akhnaten puis Phaéton, mais il faut avouer qu’il colle aujourd’hui parfaitement à la Table ronde des chevaliers du même nom.

Les tapisseries aux motifs de chevalerie sur les parois figurent bien le palais du Roi Arthus du premier acte, puis au suivant Lancelot reprend des forces dans un lit abrité par la sous-face du disque. Les projections bleutées ont un peu de mal à nous mettre, après l’entracte, en présence du lac, mais pour l’acte final les parois brillantes descendues des cintres entre des chandeliers simulent beaucoup mieux le couvent du livret.

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Lancelot à l'Opéra de Saint-Étienne
© Cyrille Cauvet

La distribution vocale comporte davantage de forces que de faiblesses, à commencer par le rôle-titre long et tendu, défendu par Thomas Bettinger. Malgré des nuances mezza voce parfois trop confidentielles, le ténor français retrouve un mordant enthousiasmant dans ses aigus, d’une couleur brillante bien en lien avec son personnage de chevalier amoureux. En Arthus, le baryton Tomasz Kumięga ne mène pas aux mêmes satisfactions : on apprécie certes l’autorité de sa voix mais le registre aigu présente des failles récurrentes; quant à sa diction, elle est correcte mais ne rend toutefois pas inutile la lecture des surtitres. Doté intrinsèquement d’un beau grain, la basse Frédéric Caton (Alain de Dinam) s’exprime malheureusement avec un net déficit de volume, tandis qu’on apprécie l’élégance du baryton Philippe Estèphe dans le court rôle de Markoël, aux côtés du ténor aigu Camille Tresmontant (Kadio). Il n’y a en revanche que des éloges à formuler pour les deux titulaires féminines, la mezzo Anaïk Morel (Guinèvre) et la soprano Olivia Doray (Elaine), deux timbres très beaux et expressifs, projetés avec force. Les deux interprètes sont investies dans leur jeu et dégagent de l’émotion, tout en veillant également à une bonne prononciation du texte.

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Lancelot à l'Opéra de Saint-Étienne
© Cyrille Cauvet

Ayant participé à certains enregistrements du Palazzetto Bru Zane, le chef Hervé Niquet est aux commandes de l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire, pour une direction dynamique et pleine de contrastes de cette partition inconnue de l’auditoire. Sans ouverture, on entre directement au cœur du palais du Roi Arthus, les différents tableaux se suivant ensuite parfois abruptement, sans réelles mesures de transition. La texture musicale oscille entre de jolies mélodies pour l’intimité des airs et duos, comme au troisième acte où Guinèvre enchaîne les face-à-face avec Elaine, Arthus puis Lancelot, et les tuttis où les cuivres – parfois en coulisses – étincellent. Préparé par Laurent Touche, le Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire est très en voix et techniquement bien en place, en particulier sa partie masculine, la plus sollicitée, comme la séquence a cappella très juste d’intonation au cours du premier acte. À noter enfin, l’intervention des cinq ballerines au troisième acte, dansant sur une chorégraphie de Maxime Thomas, où figure apparemment la seule coupure dans la partition, environ dix minutes sur les deux heures de musique.

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