Shirine à l'Opéra de Lyon
Shirine à l'Opéra de Lyon © Jean louis Fernandez

A l’Opéra de Lyon, Shirine, création du troisième opéra de Thierry Escaich

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L’Opéra National de Lyon fait la part belle à la musique d’aujourd’hui. Shirine, ouvrage que l’on doit à Atiq Rahimi (Goncourt 2008 pour « Syngué sabour, Pierre de patience ») pour le livret, et à Thierry Escaich pour la musique, est donné jusqu’au 12 mai 2022. Richard Brunel en assure la mise en scène.

 

Au lever de rideau, en projection, une bouche de femme cousue et un chœur figé. Ainsi débute le 3ème opéra de Thierry Escaich, Shirine, du nom de l’héroïne de cet ouvrage qui puise sa source, grâce à Atiq Rahimi, dans Khosrow va Chîrîne, livre de Nezâmî (1180), auteur majeur de la littérature persane médiévale et contemporain de Chrétien de Troyes.

Vie tumultueuse

C’est l’histoire de la vie tumultueuse du dernier grand roi de perse Khosrow et, ici, de ses amours non moins tumultueuses avec Shirine, princesse arménienne, réputée pour sa beauté. L’un et l’autre se séduisent tour à tour. Mais de qui tombent-ils réellement amoureux : de l’autre ou de l’image de l’autre ? Question qui n’est en réalité tranchée que par la mort des deux amants… L’amour , ici  » l’aimance », est comme le dit le poète, errance, et en fin de compte, illusion.

Shirine à l'Opéra de Lyon
Shirine à l’Opéra de Lyon © Jean Louis Fernandez

Des instruments orientaux discrets

Cet ouvrage, outre le chœur, met en scène pas moins de 9 personnages. Il est prétexte à une musique, qui, sans nullement tomber dans un orientalisme factice, ne dédaigne pas la présence de divers instruments orientaux : duduk, gânûn, flûte naï se mêlent avec bonheur à l’orchestre symphonique occidental. Cet alliage n’est pas sans rappeler, très lointainement, certaines compositions de Rimsky Korsakov, notamment l’opéra Sadko.
La présence de ces instruments est toutefois très discrète. Ils se fondent dans le discours musical sauf quand ils surgissent, intervenant alors en solistes, comme au cœur d’un silence retrouvé.

Shirine à l'Opéra de Lyon
Shirine à l’Opéra de Lyon © Jean-Louis Fernandez

La  musique de Thierry Escaich ne cède nullement à l’exotisme et fait sienne l’enchevêtrement des multiples liens passionnels tissés entre les différents protagonistes. Elle alterne plages intérieures, monologues, dialogues parlés-chantés, accès de fureur et de puissance, bien caractéristiques de Thierry Escaich. Moments intenses dans lesquels dominent les cuivres, les timbales et les percussions, ces dernières toujours très présentes tout au long de l’ouvrage.

Le metteur en scène Richard Brunel a choisi de ne pas surcharger visuellement le texte – très (trop?) dense – d’Atiq Rahimi, articulé sur 12 tableaux, plus un prélude et un épilogue.

Il tire parti d’un dispositif scénique très propice au discours poétique qu’il entend servir.  Notamment, au début de l’ouvrage, celui qui consiste en de grands panneaux en rotation, rappelant les pages d’un grand livre.

Cela permet de démultiplier l’espace dramatique en autant de points de vue des personnages en prise avec eux-mêmes et/ou avec les autres.

Autre avantage : ces sortes d’écrans se prêtent fort opportunément à la projection d’images : la princesse Shirine ne tombe-t-elle pas amoureuse de Khosrow en contemplant son image ?

Shirine à l'Opéra de Lyon
Shirine à l’Opéra de Lyon © Jean-Louis Fernandez

Vers la fin de l’oeuvre, un immense rocher va surgir orné d’une tête de cheval. C’est un lieu énigmatique à partir duquel un des amant éperdus de Shirine, Farhâd, s’évanouit à l’annonce de la mort de son aimée et tombe dans le vide avec sa hache de sculpteur (encore l’image…).

Or, sur le manche de sa hache, dit le poète, « ont poussé des graines de grenade ».

Tâche rude pour les solistes

Cette féerie persane se devait d’être portée par un plateau de solistes capable de transcender la richesse textuelle et d’en donner une résonance lyrique : ce n’est pas toujours le cas, tant la tâche est rude.

Émergent par leur musicalité et leur solidité vocale : la mezzo soprano Madjouline Zerari dans le rôle de la reine Chamira (tante de Shirine), le baryton Jean-Sébastien Bou dans le rôle du noble Chapour familier de Khosrow (excellent Julien Behr), ainsi que les deux musiciens-conteurs : le harpiste Nakissa interprété par le contre-ténor Théophile Alexandre et enfin, le maître de musique Barbâd, incarné par le baryton Laurent Alvaro. Jeanne Gérard incarne l’héroïne-titre Shirine avec une grande expressivité.

Le Choeur et l’Orchestre de l’Opéra de Lyon sont dirigés de manière ferme et claire par Franck Ollu.

 


Opéra National de Lyon

« Shirine » Du lundi 2 au jeudi 12 mai 2022

En création mondiale, commande de l’Opéra National de Lyon

Livret d’Atiq Rahimi / Musique de Thierry Escaich

« Shirine » Jeanne Gérard

« Khosrow » Julien Behr

« Chapour » Jean-Sébastien Bou

« Chamira » Majdouline Zerari

« Nakissâ » Théophile Alexandre

« Bârbad » Laurent Alvaro

« Farhâd » Florent Karrer

« Chiroya » Stephen Mills

« Maryam » Nicole Mersey

« Roi Hormoz » Jean-Philippe Salério

Mise en scène: Richard Brunel

Décors: Etienne Pluss

Costumes: Wojciech Dziedzic

Lumières: Henning Streck

Vidéo: Yann Philippe

Chorégraphie: Hervé Chaussard

Dramaturgie: Catherine Ailloud-Nicolas

Chef des Chœurs: Denis Comtet

Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon

Direction musicale: Franck Ollu

 

Les années au Barreau, où il a été notamment actif dans le domaine des droits de l'homme, ne l'ont pas écarté de la musique, sa vraie passion. Cette même passion le conduit depuis une quinzaine d'années à assurer l'animation de deux émissions entièrement dédiées à l’actualité de la vie musicale sur Fréquence Protestante.

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