À Aix-en-Provence, Le Couronnement de Poppée prend un sacré coup de jeune

- Publié le 13 juillet 2022 à 07:49
Avec des moyens simples et efficaces, le metteur en scène Ted Huffman fait du vrai théâtre en musique, où se distingue une distribution de jeunes chanteurs.
Le Couronnement de Poppée

De jeunes interprètes investis, souvent anciens de l’Académie du festival, impeccablement dirigés par un metteur en scène et un chef allant au fond de l’œuvre sans chercher à lui faire dire ce qu’elle ne dit pas : Le Couronnement de Poppée, avec des moyens tellement plus modestes, a constitué la meilleure des productions de cette année. Rien d’autre, pourtant, sur la scène du si joli petit Théâtre du jeu de paume, que quelques tables et quelques chaises, qu’une coiffeuse et qu’un portant, ainsi qu’un grand tuyau suspendu au-dessus du plateau, telle une épée de Damoclès. Mais Ted Huffman fait du vrai théâtre en musique, crée des personnages de chair et de sang, torturés par l’ambition, le désir, le désespoir, soumis à l’impitoyable dictature d’Eros. Le physique des chanteurs permet de les déshabiller/dénuder, de faire parler leurs corps – la scène trioliste entre Poppée, Néron et Lucain, le duo final sont d’un érotisme lascif. Mais la production ménage aussi des instants de mystère, comme la scène du sommeil de Poppée, empreinte de magie nocturne. Et le mélange des genres fonctionne à merveille : la mort tragique de Sénèque bouleverse, Arnalta est à mourir de rire.

Leonardo García Alarcón et sa Cappella Mediterranea déploient des trésors d’imagination et de couleurs pour faire chatoyer la musique et vibrer le théâtre. Jake Arditti, Néron contre-ténor aux airs de golden boy bodybuildé, au sadisme capricieux, Jacquelyn Stucker, mannequin arriviste et torride, pourraient faire la couverture d’un magazine. Ils incarnent à merveille, même si lui a une voix un peu rêche, les plaisirs mélangés du sexe et du pouvoir. Fleur Barron campe une Octavie écorchée vive, révoltée contre sa déchéance, Paul-Antoine Bénos-Djian est un Othon contre-ténor tourmenté, au timbre chaud, Julie Roset un Amour et un Valet pétillants, Maya Kherani une Fortuna et une Drusilla lumineuses. L’impayable Miles Mykkanen fait passer son ténor de caractère d’Arnalta à la Nourrice dans un incroyable double numéro. Seul Alex Rosen, authentique basse, Sénèque noblement stylé, reste peut-être encore un peu vert pour le philosophe sacrifié.

Monteverdi, Le Couronnement de Poppée. Aix-en-Provence, le 9 juillet 2022.

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