Absent de la scène lyonnaise depuis 1971, Tannhäuser y est de retour dans un spectacle de David Hermann, en ouverture de saison et en coproduction avec le Teatro Real de Madrid. Les spectateurs lyonnais ont la primeur de la réalisation, le metteur en scène expliquant dans le programme de salle la transposition qu’il a effectuée : « Dans le futur. Ce qu’il reste d’humanité s’oppose à une communauté d’androïdes ». On entre dans le vif du sujet avec les projections vidéos de Jo Schramm (également en charge de la scénographie) qui montrent un robot humanoïde vu sous tous les angles, jusqu'aux câbles et systèmes électroniques à l’intérieur du crâne. On redoute le pire à l’entame dans un Venusberg froid et prosaïque qui ne fait pas vraiment rêver. Robot annotant une partition, Vénus y effectue des allers et retours entre l’une des estrades latérales et un espace circulaire au centre où se tient Tannhäuser.

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Tannhäuser à l'Opéra de Lyon
© Agathe Poupeney

La transition vers la Wartburg enthousiasme davantage, lorsque descend des cintres une immense paroi verticale métallique brillante, dont la forme légèrement concave reflète le sol minéral. Le véhicule utilisé par le Landgrave et ses acolytes, les armes, cuirasses et lunettes d’aviateur évoquent alors l’ambiance du film Mad Max. Cette haute surface, qui revient à l’acte III sous les ravissantes lumières de Fabrice Kebour, a aussi le mérite d’amplifier les voix de manière naturelle. Au deuxième acte, le concours de chant de la grande salle de la Wartburg se déroule dans une arène, entre jeux du cirque et films de science-fiction, un espace extérieur entouré d’antennes et ampoules clignotantes. Le sable et les tons ocre renforcent cette fois l’imagerie d’une autre référence cinématographique, celle de Star Wars. Ceci étant confirmé à la vue d’enfants aux allures de Jawas, manteau à capuche et yeux lumineux, ou encore plus tard, à l’apparition du Pape qui ressemble au monstrueux empereur Palpatine alias Dark Sidious. Mis à part la faiblesse de la première scène, la production séduit dans son ensemble par son originalité et la beauté de ses décors, le dénouement restant un peu plus énigmatique : en présence d’Elisabeth et Vénus, les robots donnent la lumière (en forme de tubes halogènes) aux humains, scellant vraisemblablement la réconciliation générale.

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Tannhäuser à l'Opéra de Lyon
© Agathe Poupeney

La distribution vocale brille moins par son homogénéité, le ténor Stephen Gould dans le rôle-titre constituant un point de faiblesse. S’il fait illusion par moments en claironnant avec une grande force certains aigus, un vibrato envahissant perturbe régulièrement sa ligne de chant et dégrade nettement la justesse d’intonation. Moins puissante intrinsèquement mais bien plus contrôlée, la voix du baryton Christoph Pohl en Wolfram séduit pour l’élégance de la ligne, en culminant dans une mélancolique Romance à l’étoile (acte III). La Vénus d’Irene Roberts fait entendre un timbre sombre et riche, à l’accent suffisamment autoritaire, en particulier dans la partie supérieure du registre, en comparaison de quelques graves plus discrets. C'est surtout Johanni van Oostrum qui se distingue en composant une splendide Elisabeth dès sa glorieuse entrée en scène (« Dich, teure Halle ») : voix très homogène, aigus projetés avec vigueur qui contrastent agréablement avec de subtiles nuances piano, timbre attachant et une juste dose de vibrato, bref de nombreux atouts !

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Tannhäuser à l'Opéra de Lyon
© Agathe Poupeney

Les autres rôles complètent très correctement la distribution, la basse Liang Li (Hermann) aux beaux graves profonds mais d’une stabilité pas à toute épreuve, le ténor Robert Lewis (Walther) au son bien concentré, le baryton-basse joliment timbré Pete Thanapat (Biterolf), ou encore Giulia Scopelliti en Pâtre, qui chante peu mais bien, et joue beaucoup en androïde au cours de la représentation. Préparés par Benedict Kearns, les chœurs lyonnais sont également un régal, en particulier les hommes qui défilent en travers du plateau lors du premier acte, puis à l'acte III en pèlerins.

Directeur musical in loco, Daniele Rustioni convainc une nouvelle fois par sa maîtrise technique et son habituelle énergie, tout en évitant les débordements de décibels et en apportant un soin particulier aux nombreux détails de la partition, ici jouée en version de Paris pour le premier acte, puis de Dresde pour les deux suivants. Les bois et cuivres sont à saluer, mais plus globalement toute la phalange qui sert une musique de grande allure, tour à tour brillante, vif-argent, majestueuse.


Le voyage d'Irma a été pris en charge par l'Opéra de Lyon.

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