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Dialogues de grandes voix pour les carmélites de Liège

Dialogues de grandes voix pour les carmélites de Liège

Pour le mélomane, il n’est point question de mode et pourtant ! Dialogues des carmélites de Poulenc semble s’imposer un peu partout comme à Liège où Alexandra Marcellier a fait ses débuts dans le rôle de Blanche. Était-elle le seul intérêt de la production ? Réponse…

Dialogues des carmélites © ORW-Liège/J.Berger

Créé à la Scala en 1957, Dialogues des carmélites s’est facilement imposé au répertoire des grandes maisons d’Opéra du monde entier. Avec une scène finale où il est impossible de ne pas verser sa larme, le chef-d’œuvre de Francis Poulenc possède une force émotionnelle qui ne peut laisser les directeurs de théâtre de marbre. La saison 2023-2024 a été particulièrement propice avec des productions programmées à San Francisco, au Met de New York, au Staatsoper de Vienne, à Munich, Bordeaux et au Festival de Glyndebourne. Avec à l’affiche une distribution de jeunes chanteurs pour la plupart francophones et de nombreuses prises de rôle, la proposition de Stefano Pace, directeur artistique de l’Opéra Royal de Wallonie, se détachait et s’est même distinguée. Fait rare, le soir de la première du 21 juin 2023, l’on a vu monter sur scène aux saluts, la cheffe d’orchestre puis la metteuse en scène et son assistante accompagnée de la décoratrice et de la metteuse en lumière.

Du parquet de salon à la guillotine, le parcours de la carmélite !

Dialogues des carmélites © ORW-Liège/J.Berger

Alors que d’autres salles ne se seraient pas privées de communiquer à outrance sur cette distribution féminine à quasi 100%, Stefano Pace a avoué en toute humilité qu’il s’agissait d’un heureux concours de circonstances. Avec une production proche du texte d’une rare intelligence, l’homme de théâtre peut s’enorgueillir d’une très grande réussite. La metteuse en scène Marie Lambert-Le Bihan propose une lecture fidèle qui n’en est pas moins éclairante pour les amateurs du chef-d’œuvre de Poulenc. Dans un décor sobre, la scène d’ouverture chez le Marquis de La Force à l’époque de la Révolution française laisse deviner une relation trouble entre Blanche et son frère. Une approche psychologiquement fine permet de comprendre plus en profondeur certains caractères. C’est particulièrement le cas avec le personnage, souvent ennuyeux, de Mère Marie incarné avec évidence par Julie Boulianne au mezzo raffiné. Chaque carmélite possède sa personnalité ce qui permet de remarquer Coline Dutilleul (Sœur Mathilde) ou Valentine Lemercier (Mère Jeanne) dans des rôles secondaires tout comme François Pardailhé (L’aumônier du Carmel) ou encore Kamil Ben Hsaïn Lachiri (Le Geôlier, Thierry, Monsieur Javelinot). Les scènes toutes enchaînées permettent quelquefois des tableaux d’une esthétique élégante. Le final est le moment le plus fort et sans aucun doute, le plus attendu de l’opéra. Les héroïnes ayant été condamnées à mort, elles s’avancent vers un échafaud rarement présenté sur scène. Ingénieusement ici, une partie du plateau se soulève et, suspendu dans les airs, figure le tranchant démesuré et impressionnant de la guillotine.

Les grandes voix ne poussent pas de cris

C. Antoine, S.-Tehoval, C.-Dutilleul – Dialogues des carmélites © ORW-Liège/J.Berger

Autre scène attendue, l’agonie de Madame de Croissy est représentée dans un réalisme impressionnant et même effrayant. Même si elle n’efface pas le souvenir de l’incarnation idéale de Sophie Pondjiclis (entendue à La Monnaie de Bruxelles), Julie Pasturaud, excellente, chante le rôle sans jamais le crier (ce qui reste trop souvent le cas lorsque l’on distribue la partie à des voix célèbres mais en fin de carrière). Avec un plateau francophone, le texte de Poulenc (et de Bernanos) y gagne en lisibilité et en force dramatique grâce également à la diction impeccable de tous les participants et notamment la basse Patrick Bolleire (le Marquis De La Force) et le ténor ukrainien Bogdan Volkov (le Chevalier De La Force), tous deux à la forte présence vocale et scénique. La metteuse en scène peut s’appuyer sur une troupe de comédiennes chanteuses comme Claire Antoine (Madame Lidoine), soprano élégante ou comme la révélation Sheva Tehoval. L’artiste belge apporte son timbre frais à la novice Constance qui contraste idéalement avec sa consœur Blanche de La Force. La voix opulente d’Alexandra Marcellier est peut-être surdimensionnée pour ce rôle où plusieurs options sont possibles. La soprano aborde la partition pour la première fois avec un sérieux métier et des moyens vocaux solides (graves expressifs et aigus percutants) mais étonnamment avec un style déclamatoire qui peut paraître un brin daté.  A la baguette, Speranza Scappucci qui fait son retour à l’Opéra Royal de Wallonie où elle a été directrice musicale, accompagne les grandes voix de la distribution avec aplomb dans une direction d’orchestre assez droite mais nuancée, intelligente et toujours soucieuse du détail. La réussite de ces nouveaux Dialogues des carmélites liégeois tient à son travail ciselé, à l’ensemble de la distribution d’une grande cohérence et au théâtre de Marie Lambert-Le Bihan qui signe un spectacle d’une force émotionnelle remarquable.

Le pianiste triple-médaillé Kevin Chen de passage à Paris

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Roméo et Juliette éblouissants d’une sombre clarté à l’Opéra national de Paris

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