Macbeth à Salzbourg : Warlikowski fidèle à lui-même

- Publié le 21 août 2023 à 11:12
Philippe Jordan dirige les Wiener Philharmoniker et un plateau dominé par la formidable Lady Macbeth d’Asmik Grigorian. Le spectacle n'évite pas quant à lui une fâcheuse impression de déjà-vu.
Macbeth de Verdi

Depuis quelques saisons, Krzysztof Warlikowsi semble se répéter d’un ouvrage à l’autre, appliquant toujours les mêmes codes visuels et les mêmes procédés théâtraux. Ce Macbeth n’échappe pas à la règle. Façon hall d’aéroport, le décor (avec au premier plan l’inévitable lavabo warlikowskien) occupe toute la largeur du Grosses Festspielhaus. Il s’anime de (trop) nombreuses vidéos qui ont tendance à troubler le flux dramatique et dont la pertinence ne tombe pas sous le sens. Pourquoi projeter, par exemple, des extraits d’Œdipe roi et de L’Evangile selon saint Matthieu, deux films de Pasolini ? Pour nous dire que le fils de Jocaste et la mère du Christ sont, comme Macbeth, dirigées par des forces qui les dépassent ? Le message s’avère aussi spécieux que simpliste, et ce n’est pas le seul. Est-il ainsi nécessaire de montrer, afin de souligner son infertilité, un examen gynécologique subi par Lady Macbeth ? Puis, pour enfoncer le clou, pendant le banquet de l’acte II, de servir sur un plateau un bébé mort au couple diabolique ? Warlikowski insiste lourdement sur ce point (on verra beaucoup d’enfants pendant tout le spectacle), alors qu’il n’est pas si déterminant dans l’original shakespearien. L’élément surnaturel, en revanche, s’efface au profit d’un réalisme trivial. Reste un art de la direction d’acteur certes sans concession, qui offre de chaque personnage un portrait acéré, sans occulter une fâcheuse impression déjà-vu.

Morcellement

Faut-il préciser que les Wiener Philharmoniker parent l’orchestre verdien de teintes luxuriantes ? Au pupitre, Philippe Jordan n’évite pas, cependant, l’écueil du morcellement, sa direction musicale alternant fulgurances et baisses de tension.

Dans le rôle-titre, Vladislav Sulimsky ne démérite pas, mais la tierce supérieure sans vaillance et le cantabile limité ne sont pas ceux qui font les plus grands barytons Verdi. Il pâtit en outre du voisinage avec sa Lady, une Asmik Grigorian incendiaire, diamant brut à l’aigu et au volume sidérants, avec ce qu’il faut d’agilité pour affronter les vestiges belcantistes dont est truffée la partition ; et quelle flamme, quelle insolence dans le Brindisi, quels accents hallucinés dans la scène de somnambulisme ! Tous les seconds rôles excellent, que ce soit Tareq Nazmi, Banco phrasé à l’archet, ou Jonathan Tetelman, étoile montante chez les ténors qui, dans sa « Paterna mano », fait briller un grand soleil enténébré, avec toutes les variations de coloris et d’intensité qui portent ce Macduff au triomphe.

Macbeth de Verdi. Salzbourg, Grosses Festspielhaus, le 19 août.

Diapason