Créée à l'Opéra de Copenhague en mars dernier et proposée à nouveau in loco en ce début de saison, la mise en scène d'Aida par la Britannique Annabel Arden irrite à plus d’un moment. Si quelques images sont esthétiques et valent vraiment le coup d’œil, d’autres séquences ont déjà été vues et revues dans plusieurs maisons d’opéra, en poussant même jusqu’à un Regietheater qui frise la caricature.

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Aida à l'Opéra royal du Danemark
© Camilla Winther

Nous sommes ici à notre époque, avec le chef de guerre Radamès en treillis militaire et des prêtres qui évoquent davantage ceux du Vatican que le temps des pharaons. Le vrai-faux logo de l’OTAN nous laisse penser que les Egyptiens mènent une guerre sous couvert d’une organisation internationale, avec des vues aériennes de véhicules évoluant dans le désert. La scène du triomphe rassemble la foule, entre tenues de soirée et bal costumé pour les habits les plus brillants… et quelques inévitables téléphones portables tendus à bout de bras pour immortaliser la médaille remise à Radamès. Les ballons dorés, paillettes projetées dans les airs et toute l’assemblée qui se trémousse en mesure pour le finale tirent alors dangereusement l’ouvrage vers le ridicule, mais quelques pendus descendus des cintres tempéreront la joie parmi les spectateurs.

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Aida à l'Opéra royal du Danemark
© Camilla Winther

Aida est quant à elle régulièrement entourée de quatre danseurs qui miment les affects de l’héroïne, le plus souvent au premier degré, visage dans les mains ou bras levés au ciel. Ces quatre intervenants sont à vrai dire plus mimes que véritablement danseurs, le chorégraphe Theo Clinkard n’ayant pas prévu de parties dansées. C’est sans doute la raison de la coupure, en début de deuxième acte, de la musique composée pour la danse des petits esclaves maures dans les appartements d’Amneris. Voilà donc un spectacle qui empêche malheureusement l'auditoire de goûter à la partition de Verdi dans son entièreté.

Tout au long de la représentation, la paroi en fond de plateau reçoit de belles et lentes animations lumineuses, dans des tons verts et bruns qui évoquent des feuillages, évoluant vers plus de minéralité au dernier acte. C’est le moment le plus réussi, lorsque le mur s’écarte en deux parties et découvre un escalier central, comme creusé dans la roche et qui part vers le ciel dans un puits de lumière.

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Aida à l'Opéra royal du Danemark
© Camilla Winther

La distribution vocale est dominée par sa partie féminine, en lui préférant l’Amneris de Nora Sourouzian, mezzo profonde et puissante, dotée d’un très beau timbre qui garde sa qualité même dans ses moments de fureur déchaînée, comme la malédiction des prêtres à l'acte IV. Moins volumineuse, l’Aida d’Anna Nechaeva est parfois couverte dans les ensembles, la voix aux accents légèrement métalliques reste musicale, mis à part de brefs et légers relâchements de l’intonation (le duo avec Radamès à l'acte III), ou encore certaines notes les plus aigües, difficilement atteintes. Présente sur scène pour son intervention, la Sacerdotessa de Cecilia Hjortsberg est aussi bien en place vocalement.

Dès son air d’entrée « Celeste Aida », le Radamès du ténor Samuele Simoncini alterne entre points forts et faibles : l’aigu est claironné avec brillant (« Ergerti un trono ») mais la ligne vocale reste souvent peu élégante, manquant de legato. Le style est vaillant, mais au prix de certains coups de glotte qu’on peut toutefois considérer comme adéquats à son personnage de soldat. Le baryton Musa Ngqungwana déploie un Amonasro sans grande noblesse dans le timbre, mais il tient tout de même son rôle avec vigueur. Parmi les deux basses, on préfère le Ramfis autoritaire de Daniel Giulianini au Roi du vétéran Willard White, d'une belle présence physique mais plutôt effacé vocalement.

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Aida à l'Opéra royal du Danemark
© Camilla Winther

On apprécie enfin les chœurs bien chantants et très engagés, ainsi que l’Orchestre royal du Danemark, d’un excellent niveau sous la direction de Paolo Carignani. Les cordes en particulier sont somptueuses, bien mises en valeur par le chef sur les mesures les plus douces, tandis qu’il lâche les décibels, mais sans excès, au cours des scènes de foule les plus démonstratives. Somme toute, une soirée de répertoire qui, sans être désagréable aux oreilles, n'aura pas enchanté les yeux !

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