Présentée jusqu'au 8 octobre à l'Opéra de Copenhague, la nouvelle production de Jetske Mijnssen conçue pour La clemenza di Tito relève essentiellement d’une esthétique classique, sans exclure toutefois quelques touches de modernité. Celles-ci se retrouvent d’abord dans les costumes actuels de Ben Baur, costumes bien taillés et cravates pour les messieurs ainsi que robes et tailleurs chics pour les dames. Le même signe également la scénographie, un décor unique de hautes parois brunes ou grises suivant les beaux éclairages en clair-obscur de Bernd Purkrabek. La partie centrale est ajourée en forme de cadre de scène et différentes cloisons y prennent place à l’arrière, portant successivement les mots « Delizia », « Potenza », « Tradimento » et enfin « Clemenza », soit un bref résumé de l’intrigue.

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La clemenza di Tito à l'Opéra royal du Danemark
© Miklos Szabo

Les protagonistes sont déjà en scène pendant l’ouverture, avec un personnage supplémentaire par rapport à l’opus mozartien, celui de Berenice dont les charmes sont bien en lien avec le premier mot. Ce rôle muet disparaît rapidement, laissant les personnages principaux aux prises avec leurs sentiments et les stratagèmes mis en place pour arriver à leurs fins, principalement la vengeance de Vitellia qui guide Sesto vers l’assassinat de Tito.

Le jeu théâtral est d’une grande densité, avec la juste dose qui conserve un naturel appréciable aux relations entre les différents rôles. On gardera en mémoire certaines belles et très fortes images, comme celle de Sesto creusant sa tombe au cours de son air du second acte « Deh per questo istante » ; un arbre y sera planté à l’occasion du dénouement heureux. La réalisation visuelle serait alors un sans-faute, n’était-ce la touche finale de trop quand Tito, très agité, reprend son pistolet pour le pointer sur sa tempe.

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La clemenza di Tito à l'Opéra royal du Danemark
© Miklos Szabo

La distribution vocale est de très bon niveau, même si le rôle-titre n’est pas celui qui impressionne le plus. Le ténor Edgaras Montvidas incarne en effet un Tito élégant, au phrasé soigné pour ses airs les plus doux (« Del più sublime soglio »), mais perd nettement en séduction à l’occasion des passages plus vigoureux quand il veut marquer son autorité. Notre enthousiasme est plus marqué envers la mezzo Elisabeth Jansson qui compose un vibrant Sesto, au timbre profond et d’une rare richesse qui fait merveille dans son air « Parto, ma tu ben mio », avec le mot « Guardami, guardami » répété dans un silence absolu de la salle.

Autre rôle travesti, celui d’Annio est défendu par Angela Brower, instrument de mezzo aussi superbement timbré, au long souffle et très musical. Première entrée en scène, Mojca Erdmann chante Vitellia avec une grande application, ainsi qu’une intonation très précise, y compris pour les larges intervalles qu’elle doit négocier. On a tout de même du mal à entendre dans sa voix la noirceur de ce personnage intrigant et méchant, avant son repentir final. On lui préfère l’autre soprano Emily Pogorelc en Servilia, dotée d'un magnifique timbre capable de distiller de splendides aigus aériens et qui dispose par ailleurs d’un beau volume. Magnus Berg complète la distribution dans le rôle de Publio, pour lequel Mozart n’a pas composé d’air séparé.

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La clemenza di Tito à l'Opéra royal du Danemark
© Miklos Szabo

La direction musicale de Marie Jacquot surprend à l’entame, par ses tempos particulièrement lents pendant l’ouverture. La partition est certes superbement détaillée par un orchestre en excellente forme (et quelle virtuosité de la clarinette solo dans l’accompagnement de l’air de Sesto « Parto » !), cependant ceci au risque de manquer d’un peu de nerf dans l’avancée de l’action. Mais l’entrain gagne un peu plus tard, dès la mise en route des cuivres et percussions à l’occasion de l’entrée de Tito. Les chœurs également ont belle allure dans leurs rares interventions, contribuant ainsi au succès de la représentation.

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