A Tours, le Barbier de Séville en vacances à la mer

- Publié le 12 octobre 2023 à 13:17
Emilie Delbée situe l'action dans une station balnéaire des Années folles, sans vraiment convaincre du bien-fondé de cette transposition. Au pupitre, Clelia Cafiero veille sur un plateau uni dans l'excellence.
Le Barbier de Séville de Rossini

Emilie Delbée, voit dans Le Barbier de Séville « un appel irrésistible d’une jeunesse qui étouffe à repousser les murs du vieux monde » et qui veut « tirer la langue aux vieux grincheux ». Aussi fait-elle le choix de situer l’action dans une station balnéaire pendant les Années folles, au bord d’un océan, symbole d’aspiration à la vie et à la liberté. Pourquoi pas… Une grande passerelle de bois, quelques transats, une cabine de bain, puis une haute verrière art déco feront office de décors, le tout rehaussé par de belles lumières. L’effet visuel est séduisant, les costumes des années 1920 soignés. Mais le spectacle souffre d’un excès de sagesse, qui atténue l’efficacité dramatique : l’action en devient assez peu crédible.

Ainsi, Don Bartolo ne semble pas exercer un pouvoir excessif sur la joyeuse Rosina, qui évolue librement. Dans ces conditions, tous les stratagèmes imaginés par le Comte et Figaro pour se rapprocher d’elle (billet, cours de chant…) se justifient difficilement. Les « déguisements » d’Almaviva n’en seront d’ailleurs pas vraiment. Berta et Fiorello, passent quant à eux leur temps à entrer, sortir, manger une glace, voire tomber à l’eau. Et que vient faire ce malheureux homme homard gonflable pendant le finale de l’acte I ? Cette incursion plonge le public dans des abîmes de perplexité…

Distribution juvénile

Pas de quoi cependant entraver la gaieté et la fraîcheur des artistes, qui peuvent laisser libre cours à leur talent. C’est heureux car la distribution est aussi juvénile qu’unie dans l’excellence. Voix longue et puissante, extrêmement bien projetée et à l’émission d’une rare justesse, le Sud-coréen Sung-Hwan Damien Park récolte une ovation méritée à l’issue de son brillant « Largo al factotum ». Et avec ça une souplesse et une aisance en scène, un air souriant et moqueur : voilà un Figaro di qualita !

On savoure aussi le timbre à la fois rond et chaleureux de Mara Gaudenzi, Rosine tout en charmes, très à son aise sur l’ensemble de la tessiture – ses aigus faciles et lumineux mériteraient juste d’être un peu plus nuancés. Pierluigi d’Aloia a quant à lui les aigus insolents qu’il faut à Almaviva, et il en joue habillement, parvenant à homogénéiser avec grâce tous les registres et à jongler sans difficulté avec les couleurs nasales du faux Don Alonso à l’acte II ; dommage que les vocalises ne soient pas un peu plus précises et qu’il ne se risque pas à interpréter «Cessa di più resistere »!

Remarquable dans le répertoire français, Franck Leguérinel compense ce soir quelques sons nasillards et des graves un peu forcés par un indéniable talent comique qui  vaudra à son Don Bartolo l’approbation du public. Le Don Basilio du Chinois Huanhong Livio Li impressionne tant par sa stature que par sa puissance sonore, offrant une magnifique « Calunnia ». Enfin, la Berta de Greta Doveri ne passe pas non plus inaperçue, soprano plein d’assurance dans les ensembles, interprétant son air avec beaucoup de facilité (même si elle est loin d’avoir l’air veille et décrépite !).

Portant toute cette belle équipe avec autant d’entrain que d’efficacité, Clelia Cafiero, nouvelle cheffe principale de l’Opéra de Tours, imprime à son orchestre un rythme très vif et allant, tout en restant particulièrement attentive aux chanteurs et à l’osmose entre fosse et scène.

Le Barbier de Séville de Rossini. Tours, Opéra, le 8 octobre.

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