L’enthousiasme d’un jeune public pour Le Barbier de Séville à Liège

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Les solistes, le chef d’orchestre, les musiciens et les chœurs, le metteur en scène et toute son équipe n’oublieront certainement pas les réactions enthousiastes du nombreux jeune public réuni le soir de la générale de leur production du Barbiere di Siviglia. Une générale à laquelle j’avais décidé d’assister. Bien m’en a pris.

Une générale qui avait suscité l’intérêt de nombreux professeurs pour leurs élèves. Ils étaient plus de trois cents (deux cent-soixante du secondaire supérieur, une cinquantaine du supérieur). Un intérêt justifié peut-être par quelques réalités d’un programme scolaire : « Le Barbier de Séville » a d’abord été une comédie de Beaumarchais. Et aussi par le fait qu’avec Rossini, normalement, on ne s’ennuie pas. 

Ils n’ont pas été déçus et ont manifestement trouvé un réel bonheur dans ce qui aurait pu n’être qu’une « sortie scolaire ». 

Il est vrai que l’histoire de cet amour contre qui toutes les « précautions » seront « inutiles » (c’est le sous-titre de l’œuvre) est réjouissante dans les rebondissements de ses péripéties : le barbon ne pourra rien contre un amour subtilement favorisé par un Figaro rusé. 

Il est vrai aussi que la mise en scène de Vincent Dujardin a opté pour la lisibilité d’une ligne claire, comme on dit pour les bandes dessinées. Nous transportant dans une ville du sud des années 1950 (Figaro surgit en Vespa, les apparences vestimentaires sont de ce temps-là, ainsi particulièrement celles en séducteur latin à fine moustache et costume croisé blanc d’Almaviva - décors et costumes de Leila Fteita, lumières de Bruni Ciulli), il installe les péripéties du récit au cœur d’un dédale de ruelles, sur une place avec une fontaine, un décor initial qui, aisément (il suffit de bouger un pan de décor, de pendre une immense tenture), permet de pénétrer à l’intérieur du logis. De plus, il ajoute au texte quelques gags visuels bon enfant qui maintiennent et relancent l’attention.

Cette lisibilité et cette immédiateté de la mise en scène offrent aux interprètes les meilleures conditions pour déployer leurs airs, face au public. Et c’est là bien sûr une autre raison du succès de la soirée : les airs de Rossini, les airs de bravoure de Rossini. Les spectateurs qui les connaissent sont chaque fois si heureux de les reconnaître, d’en anticiper les développements même. Les spectateurs qui ne les connaissent pas (comme tous ces jeunes) ne peuvent être que subjugués par leur incroyable virtuosité (qui peut se conjuguer avec d’autres moments plus émouvants). Un néophyte découvre alors les incroyables possibilités du chant, qu’il s’agisse de roulades, d’acrobaties vocales en tous genres, ou de la fascinante maîtrise des duos, trios, quatuors, quintettes et sextuors. Un pour tous et tous pour un ! 

Ces solistes ne se sont pas économisés, comme ils peuvent le faire prudemment parfois un soir de générale. Non, ils y sont allés franchement -immédiatement récompensés chaleureusement à la fin de leurs airs et ainsi stimulés par le jeune public. Je m’en voudrais de les distinguer dans leur si bel ensemble : Ruzil Gatin-Almaviva, Marcello Rosiello-Figaro, Chiara Tirotta-Rosina, Pablo Ruiz-Don Bartolo, Mirco Palazzi-Don Basilio, ainsi que Eleonora Boaretto-Berta, Ivan Thirion-Fiorello, avec Marc Tissons-Un Ufficiale.

Giampaolo Bisanti, qui connaît son Rossini, a conféré une unité bienvenue et nuancée à tout cela avec son Orchestre de l’Opéra.

Voilà une soirée qui, en des temps d’interrogations et de doutes quant à l’avenir de l’Opéra, est porteuse d’espoir. Il est vrai que tout avait été fait pour, comme on dit. Ces jeunes gens avaient manifestement été préparés (élégance vestimentaire pour beaucoup, téléphones mis de côté). Ils étaient prêts à vivre une expérience lyrique. Une si convaincante rencontre avec une production si joyeusement pertinente.

Liège, Opéra Royal de Wallonie-Liège, le 16 octobre 2023

Crédits photographiques : J.Berger-ORW-Liège

Stéphane Gilbart

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