Après un rapide sourire au public du Staatsoper Unter den Linden, Marc Minkowski se tourne vers les musiciens de la Staatskapelle Berlin qu’il dirige à bras le corps dans la célèbre ouverture des Noces de Figaro. Au lever de rideau, on découvre la mise en scène presque hollywoodienne de Vincent Huguet. S'il ne s'agissait pas de la reprise d'une production créée en 2021, on aurait sans doute vu dans les justaucorps fluos et les chevelures blondes de cette première scène une influence du film Barbie, succès du box-office de l’été 2023.

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Riccardo Fassi (Figaro)
© Matthias Baus

C’est en plein entraînement de gymnastique, au milieu d’une séance d’abdos, que l’on découvre Susanna (Victoria Randem) et Figaro (Riccardo Fassi). À cette atmosphère colorée s’ajoutent, pour l’aspect tape-à-l’oeil yankee, les bottes de cowboy de Figaro, les boules à facettes de la scène du mariage, le stetson de Bartolo ou encore la garde-robe en léopard de Marcellina.

Les chanteurs évoluent sur scène avec aisance et l’entente globale de la distribution est palpable. Les scènes s’enchaînent et l’on ne voit pas le temps passer. On retiendra notamment l’air de la Comtesse Almaviva (Evelin Novak) au début du deuxième acte, seule face au public, devant le rideau rouge encore descendu : sa voix ronde et chaleureuse, même dans les notes les plus aiguës, nous transporte. On se souviendra aussi de l’air de Cherubino superbement interprété par Emily d’Angelo, magnifique Tomboy plein de fierté dans cette scène où il est travesti en femme par la Comtesse et Susanna. 

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Les noces de Figaro
© Matthias Baus

Si le Figaro de Riccardo Fassi et le Comte Almaviva de Simon Keenlyside sont très applaudis, ce sont les femmes qui tiennent le devant de la scène. La Canadienne Emily d’Angelo excelle dans le rôle de Cherubino dans lequel elle a fait ses débuts en 2016. Elle sait trouver la justesse entre puissance et fragilité de l’interprétation vocale pour que l’on voit apparaître ce frêle mais si passionné jeune homme qu’est le page. Victoria Randem, elle, interprète Susanna avec l'enthousiasme de la découverte d’un nouveau rôle et cela se ressent dans la chaleur et la brillance qui transparaissent de sa voix. 

On voit également que les musiciens de la Staatskapelle se régalent et des sourires sont régulièrement échangés entre les pupitres. Les solos de flûte et de hautbois pendant l’air de la Comtesse au deuxième acte ainsi qu’au début du troisième sont particulièrement bien rendus.

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Emily d'Angelo (Cherubino)
© Matthias Baus

Au troisième acte, on découvre le Comte Almaviva comme un producteur de musique affichant fièrement aux murs de son immense bureau disques d’or et portraits à la Warhol. La Comtesse, tout aussi rock & roll, enchaîne cigarette sur cigarette, allongée sur le canapé en cuir derrière lequel trône un imposant léopard. Sur ce même plateau, la scène du procès et de la révélation des parents de Figaro est particulièrement délectable. Marcellina, portant fièrement des bigoudis tout du long, est l’épitomé du kitsch.

Presque sans changement de décor, la transition vers la scène du mariage est surtout faite par l’arrivée du chœur avec des habits de fête tous plus colorés et pailletés les uns que les autres, donnant des airs de fête disco à la scène. Le public est même englobé dans la célébration grâce à plusieurs impressionnantes boules à facettes qui illuminent le parterre et les balcons du Staatsoper, produisant un bel effet de lumière de notre côté du théâtre.

L’acte final dans les jardins est l’occasion de mettre en scène un véritable bestiaire. Chaque personnage a la tête entièrement recouverte d’un masque très réaliste. Mouton, loup, chat, chien ou encore girafe se côtoient pour le dénouement final. De la salle de sport de Barbie au zoo, en passant par le club disco, on ne se sera donc pas ennuyée lors de cette soirée aussi haute en couleur qu’en divertissement.

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