En coproduction avec le Festival d’Aix-en-Provence, l'opera seria Idoménée de Mozart, présenté dans sa version viennoise de 1786 (faisant d’Idamante un ténor et non plus un castrat) était très attendu sur les planches toulousaines. La mise en scène de Satoshi Miyagi propose une relecture japonisante du mythe du roi de Crète vainqueur des Troyens, axant son travail sur la pure esthétique et peu sur le mouvement – ce que compensera fort heureusement la qualité musicale de l’ensemble.

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Idoménée au Théâtre du Capitole
© Mirco Magliocca

Assisté d’Honoh Horikawa et en collaboration avec le scénographe Junpei Kiz, Satoshi Miyagi transpose, sur un mode répandu dans d’autres domaines (manga, anime, cinéma...), l’Antiquité dans le Japon traditionnel moderne et contemporain. Le livret affichant La Grande Vague de Kangawa d’Hokusai et un Neptune de marbre blanc d’Augustin Pajou, on ne pouvait que se douter que l’adaptation resterait somme toute très classique. De fait, les costumes de Kayo Takahashi Deschene voient les Grecs porter des kimonos et les prisonniers troyens devenir des soldats japonais du second conflit mondial. Entre l’ère d’Edo et 1945, les clins d’œil restent finalement stéréotypés – théâtre kabuki, katanas et coiffes diverses.

Les décors en revanche portent l’ensemble avec ingéniosité mais aussi avec lenteur : de nombreux blocs tantôt translucides, tantôt pleins se meuvent sur scène grâce aux danseurs qu’ils contiennent, à la fois prisonniers et machinistes, êtres humains et ombres déformées et monstrueuses. Si les jeux d’ombre sont visuellement impressionnants, ils deviennent assez lassants en l’absence de couleur autre que le sépia, ce d’autant plus que le quatuor principal reste la plupart du temps sur de grands blocs, telles des statues de marbre, ce qui vient casser le seul mouvement proposé... et demande à Michele Spotti de se tordre quelque peu le cou pour diriger ces chanteurs haut perchés dont on sent bien, pour certains, qu’ils sont peu à l’aise.

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Idoménée au Théâtre du Capitole
© Mirco Magliocca

La chorégraphie proposée par Akiko Kitamura reste limitée à quelques mouvements discrets. Les lumières colorées de Yukiko Yoshimoto au troisième acte viennent mettre, mais trop tardivement, un peu d’émotion dans le visuel avec l’apparition du monstre marin, la figuration murale du massacre en cours et la colère d’Électre. In fine, le mythe est seulement transposé et pas vraiment adapté ou réinventé. On en reste une nouvelle fois aux clichés et force est de constater qu’agiter des drapeaux nationaux sur scène est dans l’air du temps. 

Heureusement, les chanteurs et l’orchestre livrent une production de haute qualité. Dans le rôle-titre, Ian Koziara reste distant mais propre dans ses interventions, concentrant sa puissance sur les airs en solo. Incarnant son fils Idamante, Cyrille Dubois étonne tout d’abord, tant le traitement de sa voix est orné et empreint d’un vibrato très romantique. Ce trait tend à se gommer au fur et à mesure que l’on avance dans la pièce, sans doute pour marquer un rapprochement avec son père dont il est appelé à prendre la place après avoir traversé les affects que lui impose le destin.

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Idoménée au Théâtre du Capitole
© Mirco Magliocca

Habituées du Capitole, Marie Perbost (Ilia) et Andreea Soare ne déçoivent pas : la première livre un chant très articulé et soigné dans les nuances proposées ; la deuxième interprète une Électre toute en puissance (et en colère), sollicitant tellement sa voix qu’elle est parfois un peu au-dessus du ton, mais proposant aussi le seul personnage un peu mobile et expressif du tableau. Les interventions de Petr Nekoranec seront applaudies à raison par le public après son Arbace qui aura relancé par quelques saillies vocales le drame narratif.

S’il est peu mobilisé scéniquement, le chœur Les Éléments réserve également des interventions de qualité, en bon échange avec l’orchestre et les principaux personnages, livrant ainsi quelques moments grandioses. Dans la fosse, l'Orchestre du Capitole sonne un peu sèchement mais est bien traité de façon classique et parfois intimiste par Michele Spotti, toujours au service du chant.

***11