A Tours, la Luisa Miller de Verdi traverse le temps

- Publié le 20 mars 2024 à 12:22
Dayner Tafur-Diaz dirige un plateau vocal de haut niveau, très investi dans cette nouvelle production mise en scène par Frédéric Roels et bientôt reprise à l'Opéra d'Avignon.
Luisa Miller de Verdi

Après l’annulation d’une première représentation en raison d’un mouvement de grève de l’orchestre, cette Luisa Miller n’a eu droit qu’à la seule matinée de dimanche dernier – avant une prochaine reprise à l’Opéra d’Avignon, avec un autre chef et une distribution renouvelée. Les différents lieux de l’intrigue sont évoqués grâce à un unique dispositif scénique, constitué de grands blocs de décors amovibles clôturant l’espace – crayonnés au fusain, ils évoquent une architecture gothique. Une cheminée donne une petite touche de couleur au foyer de Miller, tandis qu’au centre trône l’immense cadran d’une horloge en ruines, dont l’aiguille arrachée fera office d’accessoire. Elle est le symbole du « malentendu temporel » qui, pour le metteur en scène Frédéric Roels, serait au cœur du drame. Suivant la même logique, les costumes variés et souvent très réussis, s’inspirent de périodes diverses, du Moyen-Age jusqu’au XXe siècle. Si le concept peut laisser perplexe, le résultat esthétiquement séduisant est servi par une direction d’acteur convaincante et surtout un plateau vocal de haut niveau.

Touchante Luisa

Voix souple et chaleureuse, aigus particulièrement faciles et moelleux, Cristina Giannelli maîtrise toutes les difficultés techniques du rôle-titre, incarnant avec aisance une Luisa aussi touchante que courageuse. Le Miller d’André Heyboer, en revanche, manque d’un soupçon de subtilité, notamment dans un premier air peu nuancé – mais la cabalette révèle un baryton plein d’assurance qui saura s’attendrir dans de très beaux duos entre le père et la fille. Même s’il est américain, Anthony Ciaramitaro campe un Rodolfo très italien par sa couleur, dont le chant large et élégant s’épanouit sans raideur, combinant vaillance et accent pathétiques. Wurm méphistophélique tout de rouge vêtu, Mischa Schelomianski brûle les planches, portant en étendard un timbre noir et mordant à souhait. Ce vil courtisan formera un beau duo avec le Walter d’un Julien Véronèse portant haut son bel habit de patriarche du XIXe siècle, malgré quelques faiblesses aux deux extrêmes de la tessiture. Irene Savignano prête ses graves impérieux à Frederica, aux côtés de la Laura raffinée de Natalie Perez.

Après quelques hésitations dans sa première intervention, le chœur de l’Opéra de Tours trouve ses marques, tout comme l’Orchestre symphonique Région Centre-Val de Loire, dirigé avec beaucoup de dynamisme par le jeune Dayner Tafur-Diaz. Très attentive aux chanteurs, cette battue cisèle les solos instrumentaux, tout en soulignant la diversité des contrastes et des couleurs.

Luisa Miller de Verdi. Tours, Opéra, le 17 mars. Reprise à Avignon les 17 et 19 mai.

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