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CHEMIRANI, Negar – Montpellier

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Spectacle
9 avril 2024
Force de la justesse

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Conte documentaire en 4 actes de Keyvan Chemirani sur un livret de Sonia Hossein-Pour et Marie-Eve Signeyrole
Création le 29 octobre 2022 au Deutsche Oper Berlin
Création française

Détails

Livret, conception et mise en scène
Marie-Ève Signeyrole

Livret, dramaturgie, et coaching linguistique en persan
Sonia Hossein-Pour

Traduction
Soheila Midia Lefevre

Décors
Fabien Teigné

Costumes
Yashi

Lumières
Sascha Zauner

Vidéo
Jules Gassot

Régisseuse accessoiriste
Asli Ersüzer Sökmen

Ingénieur du son
Silouane Colmet Daage

 

Negar
Aida Nosrat

Shirin
Katarina Bradić

Aziz
Julian Arsenault

Amir Hossein / policier
Leander Carlier

Policière / une bassidji
Arianna Manganello

Un bassidji
Matthew Cossack

Musiciens de l’Ensemble Keyvan Chemirani
Sylvain Barou (flûte, ney, pipe, duduk), Efrén López (Ashkan / târ, rébab, saz), Pouya Khoshravesh (kementché)

Ensemble de l’Orchestre national Montpellier Occitanie
Aude Périn-Dureau (violon), Eric Rouget (Alto), Cyrille Tricoire De Haro (violoncelle), Tom Gélineaud (contrebasse), Juliette Tricoire (trombone), Philippe Limoge (marimba, électronique)

Direction musicale
Sonia Ben-Santamaria

Montpellier, Opéra Comédie, vendredi 5 avril 2024, 20h

Juste, qualifie dans son ensemble la création française de Negar, né à la Deutsche Oper Berlin en 2022. Ce « conte documentaire » en quatre actes qui narre un triangle amoureux entre deux femmes et un homme dans le Téhéran actuel, réussit tout à fait à revivifier le genre opéra avec sa voix propre, offre une mise en scène ambitieuse au cordeau de ses enjeux dramaturgiques et musicaux et réunit une équipe d’acteurs chanteurs fascinants.

Juste aussi, le livret trilingue que signent Marie-Eve Signeyrole et  Sonia Hossein-Pour. On évacuera d’entrée la question : Sonia est une consœur de Forumopera. Que cela ne n’influe en rien sur l’éloge qu’elles doivent recevoir. Le succès des opéras contemporains repose en grande partie sur la qualité du livret. C’est son dynamisme et sa structure qui vont irriguer la musique et ils sont peu nombreux les compositeurs contemporains qui peuvent sublimer un texte faible (c’est le problème principal de Macbeth Underworld par exemple). Sous ses dehors de scènes mises bout à bout, le « documentaire » imite la structure d’une pièce en cinq actes, de sa brillante scène d’ouverture dans une boite de nuit, où le public debout au milieu des chanteurs participe aux retrouvailles de nos héros, à ses moments d’amours suspendues en forme de troisième acte, son cataclysme avec l’arrestation par la police religieuse du régime dans un quatrième acte suffocant, à sa résolution en forme d’aporie et cette porte que Negar, l’héroïne, referme sur sa vie, sur son pays, sur ses amours.

Juste, la composition de Keyvan Chemirani épouse le réalisme de cette prose. Les lignes vocales s’enrubannent dans des mélodies et quelques mélismes. La partition ne répond en rien aux canons de la musique contemporaine mais elle revigore le théâtre lyrique par l’incorporation des instruments et des écarts toniques de la musique persane. Il n’y a rien d’orientalisant dans la démarche, Negar s’impose rapidement comme sa propre forme musicale – étrangement déracinée, comme Shirin l’autre héroïne féminine, entre Occident et Téhéran. Negar enfin consent quelques révérences, notamment à Gluck et son Orphée, par un bref arioso en citation et surtout par le dernier geste de Negar qui se retourne à la toute fin pour finir de contempler la catastrophe. Sonia Ben-Santamaria dirige avec une précision d’orfèvre cet ensemble bigarré, somme d’excellents musiciens, en même temps qu’elle assure le lien avec une scène déportée à laquelle elle tourne le dos. 

© Marc Ginot

Juste, la réalisation scénique aussi simple qu’inventive imaginée par Marie-Eve Signeyrole et « performée » par une équipe technique mise à forte contribution. Negar veut montrer les coulisses de la société iranienne, montrer l’intime d’une identité, celle de Shirin, déchirée entre la France et l’Iran, montrer les corps qu’on interdit dans leur sensualité même, le cinéma documentaire « pornographique » (dixit les bassidjis) d’Aziz, le frère de Negar. La mise en scène montrera les coulisses du théâtre pour mieux le propulser au cœur de l’illusion. Le public entre par les coulisses de bord de scène côté cours sur ce qui est normalement la scène de la Comédie de Montpellier. Passée la scène de la boite de nuit, le public s’assoit sur deux gradins qui se font face, les acteurs chanteurs à quelques mètres devant lui, l’orchestre à jardin commente l’action en même temps qu’il y participe quand des musiciens viennent jouer dans les scènes du quotidien (un repas, un thé partagé en terrasse). Les éléments de décors (un tapis et quelques plats, la fenêtre de la cuisine, une voiture des années 90 etc.) défilent dans cet espace scénique comme dans un long travelling. La direction d’acteur s’intensifie de scène en scène. La joviale simplicité des scènes de repas, l’étreinte manquée dans le hammam, la longue torture d’Aziz et de Shirin… absolument tout acquiert une justesse en effet proche du documentaire.

Juste enfin, l’incarnation des six chanteurs engagés corps et âmes dans cette narration. Matthew Cossack et Arianna Manganello nous glacent les sangs en bassidjis violents et grossiers, dans des rôles où la précision rythmique est clé. Leander Carlier forge le portrait du petit frère traditionnaliste de la famille dans un metal sombre et une projection confortable. Il saura rendre son personnage sympathique quand on comprendra que sa défense de l’ordre moral est bien moins idéologique qu’un reflexe de peur et de protection pour ses frères et sœurs. Aziz d’ailleurs trouve en Julian Arsenault un baryton aux harmoniques riches, à la présence scénique intense et à l’engagement total. Il parvient à faire d’Aziz ce frère sensible et amoureux, jouet de ses sentiments et de son obsession de vidéaste qui provoquera la catastrophe (ses vidéos sont autant de preuve de la « perversion » de nos héros), alors que le personnage ne dispose pas d’un seul monologue. Après Macbeth Underworld, Katarina Bradić finit de s’imposer en France comme un mezzo incontournable. On ne sait que louer le plus du timbre mat au métal identifiable immédiatement, à l’interprétation sensible jusqu’au magnétisme aussi simple qu’hypnotisant. Aida Nosrat pour finir, réalise une prise de rôle impressionnante. Arrivée tardivement dans le projet, forte d’une technique où le chant lyrique ne prédomine pas, elle se débat avec brio dans une écriture parfois inconfortable pour sa tessiture. Intelligemment elle se sert de cette altérité sonore pour imposer discrètement Negar comme le personnage pivot, celui qui cristallise nos sympathies. Toutes ces justes notes font de Negar un spectacle nécessaire et déjà mémorable.

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Conte documentaire en 4 actes de Keyvan Chemirani sur un livret de Sonia Hossein-Pour et Marie-Eve Signeyrole
Création le 29 octobre 2022 au Deutsche Oper Berlin
Création française

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Livret, conception et mise en scène
Marie-Ève Signeyrole

Livret, dramaturgie, et coaching linguistique en persan
Sonia Hossein-Pour

Traduction
Soheila Midia Lefevre

Décors
Fabien Teigné

Costumes
Yashi

Lumières
Sascha Zauner

Vidéo
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Régisseuse accessoiriste
Asli Ersüzer Sökmen

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Silouane Colmet Daage

 

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Aida Nosrat

Shirin
Katarina Bradić

Aziz
Julian Arsenault

Amir Hossein / policier
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Un bassidji
Matthew Cossack

Musiciens de l’Ensemble Keyvan Chemirani
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Ensemble de l’Orchestre national Montpellier Occitanie
Aude Périn-Dureau (violon), Eric Rouget (Alto), Cyrille Tricoire De Haro (violoncelle), Tom Gélineaud (contrebasse), Juliette Tricoire (trombone), Philippe Limoge (marimba, électronique)

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Montpellier, Opéra Comédie, vendredi 5 avril 2024, 20h

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