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La Bohème christique de Jean-Paul Scarpitta

Jean-Paul Scarpitta. Marc Ginot / Opéra national de Montpellier

INTERVIEW - Le directeur de l'Opéra national de Montpellier met en scène le chef-d'œuvre de Puccini, et évoque les futurs chantiers de l'établissement.

LE FIGARO. - L'Opéra de Montpellier vient de donner le rare What Next
de Carter. Qu'est-ce qui vous séduit dans une œuvre aussi universelle
que
La Bohème?

Jean-Paul SCARPITTA. - Sa part de rédemption. Il est toujours tentant de l'actualiser pour en faire un phénomène de société contemporain: entre la crise, les Roms ou le smic, ce ne sont pas les occasions qui manquent. J'ai préféré sublimer tout ça pour ne retenir que le message essentiel: seul l'art est susceptible de nous sauver. Il n'y a qu'à travers lui qu'on peut accéder à une véritable rédemption.

Vous en parlez en termes christiques…

Si j'osais, je dirais que son héroïne, Mimi, qui tombe malade la veille de Noël pour mourir au printemps, évoque aussi bien Baudelaire que la Passion du Christ. De toutes les héroïnes, elle est celle qui sait le mieux saisir l'insaisissable pour en faire une chose grandiose. C'est cette empathie miraculeuse que je retiens en entendant la fin de l'opéra: pas un hurlement de désespoir, mais un cri qui s'élève au-dessus de notre condition d'homme.

Comment cela se traduit-il sur scène?

Le théâtre et la musique jaillissent du noir pour s'éclairer peu à peu, se parer de ­couleurs évoquant la réminiscence ou la passion. Couleurs et lumière sont deux données fondamentales chez Puccini. Les premières répondent à la coloration de l'orchestre. La seconde rappelle que La Bohème est contemporaine de l'invention du cinéma et quel merveilleux scénariste aurait fait Puccini. Sa Bohème me fait irrémédiablement songer aux Nuits blanches de Visconti.

L'art rédempteur guide-t-il le directeur d'opéra que vous êtes?

J'aime le penser. Je ne me suis pas réveillé un matin en disant: «Si je dirigeais une maison d'opéra?» C'est Riccardo Muti, avec qui je collabore depuis de nombreuses années, qui m'y a poussé. Diriger une maison avec un tel potentiel implique une habilité à architecturer le rêve, pour le rendre tangible tout en créant du lien social. N'est-ce pas là le rôle du metteur en scène, pour peu qu'il soit entouré et débarrassé du souci de lui-même?

Après la motion de défiance votée à votre encontre en juin dernier, où en sont vos relations avec le personnel?

Je suis conscient de mes erreurs. Confier le concert du Nouvel An à un autre orchestre que celui de la maison, parce que ce dernier jouait La Bohème ce jour-là, en était une. J'ai ouvert un dialogue qui, j'espère, nous permettra de remettre l'art au cœur du débat. Nous nommerons un directeur musical en juin prochain avec le soutien d'une commission spécialisée.

Quels sont vos prochains enjeux?

Montpellier doit se penser à l'échelle européenne. Cette prise de conscience vitale passe par la préconisation des inspecteurs du Ministère de la Culture de faire passer l'Opéra du statut associatif à celui d'établissement public de coopération culturelle. Je suis convaincu que cette salle a le potentiel d'une antichambre européenne de la jeunesse et de la création. J'entends le prouver en multipliant les collaborations avec des scènes comme Bruxelles, Madrid ou Aix-en-Provence.

«La Bohème» de Puccini, à l'Opéra Berlioz de Montpellier (dirigée par Roberto Rizzi-Brignoli): du 21 décembre au 1er janvier. Tél.: 04 67 60 19 99.

La Bohème christique de Jean-Paul Scarpitta

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