Rien ne va plus à l’Opéra de Tours

- Publié le 27 juin 2020 à 17:33
Le Grand Théâtre de Tours. Wikimedia Commons
Entre l'orchestre et le directeur, le torchon brûle à l'Opéra de Tours. C'est ce que révèle une vaste enquête menée par Frédéric Potet pour le journal Le Monde.

Selon notre confrère Frédéric Potet, les griefs de l’Orchestre symphonique Région Centre-Val de Loire envers le chef et directeur Benjamin Pionnier sont légion : « Ses membres s’opposent fermement à son renouvellement et l’accusent de maux innombrables : CV gonflé, incompétence musicale, harcèlement au travail, népotisme… Lui parle de complot et se pose en victime d’une campagne de dénigrement », écrit le journaliste.

Au Monde, les musiciens confient d’abord leur désarroi et ne mâchent pas leurs mots : « gestuelle inexpressive et stéréotypée », « un métronome marcherait aussi bien mais coûterait moins cher »… Réponse de l’intéressé : on l’apprécie à l’étranger (il cite le Bolchoï), et l’orchestre tourangeau, en trois ans, se serait lassé.

Son CV ? Le chef se dit élève de Brigitte Engerer et de James Levine, « lauréat » d’une épreuve de direction du Royal Nothern College of Music (Manchester). En réalité, note Frédéric Potet, ce dernier n’est pas à proprement parler un concours mais une compétition donnant droit à une bourse, et récompensant plusieurs lauréats. S’il a été élève de la feue pianiste Brigitte Engerer, ce ne fut pas au CNSMD de Paris, où elle enseigna, mais à titre privé ; quant à James Levine, il aurait davantage assisté à des répétitions que tenu lieu d’assistant.

Du favoritisme ? Si son épouse, la chorégraphe Elodie Vella, a travaillé sur cinq productions de l’Opéra, Benjamin Pionnier indique que c’était « toujours à l’initiative du metteur en scène », extérieur au théâtre.

Une gestion comptable très contestée

Mais Benjamin Pionnier n’est pas seulement chef, il est aussi directeur de l’Opéra de Tours. Les musiciens lui reprochent, à ce titre, de tailler dans les effectifs – prenant pour exemple les quatre violoncelles et deux contrebasses réunis en 2019 pour la Symphonie no 8 de Dvorak, qui se sont révélés insuffisants – et de réduire le nombre de répétitions. Des mesures dans lesquelles le Syndicat tourangeau des artistes musiciens (affilié à la CGT) voit une contrepartie perfide à l’augmentation des cachets obtenue en 2017. Le directeur rétorque « rationalisation des répétitions », « mutualisation », « optimisation ».

L’orchestre, lui, dénonçait déjà en 2016 un « manque de travail en profondeur ». Aujourd’hui, à un questionnaire réalisé auprès des trois quarts des musiciens, 90 % des sondés se disent insatisfaits du travail artistique. Pour certains de ceux qui ce sont confiés au Monde, le constat est encore plus désolant : « on a l’impression d’aller à l’usine ».

La mairie tente d’apaiser les esprits en proposant de retirer à Benjamin Pionnier la direction de l’orchestre pour ne lui laisser que celle de la maison ; des chefs invités se succèderaient au pupitre. Ni l’orchestre, ni les employés du théâtre ne veulent de cette solution. Pourtant, « Benjamin Pionnier tient bon. Et défend son bilan : l’augmentation des levers de rideau, l’élargissement du répertoire à la musique contemporaine, la programmation de concerts pour bébés, l’obtention du label « théâtre lyrique d’intérêt national ».» Serait-il envoûté par ce « beau pays de la Touraine » que vantent Meyerbeer et Scribe dans Les Huguenots ?

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