Davin, Grinda, la Navarraise
En 1894, désireux d’écrire un équivalent français de "Cavalleria Rusticana" et "Pagliacci", Jules Massenet signe "La Navarraise", un opéra aussi court (moins d’une heure) et plus percutant encore que ses deux modèles. Il conte l’histoire d’une jeune femme pauvre qui s’en va tuer un chef ennemi pour pouvoir, par le prix de la récompense, payer la dot requise pour épouser son bien-aimé. Et, comme il se doit, tout finit mal : le bien-aimé est mortellement blessé au combat (il croyait que sa belle avait vendu ses charmes à l’ennemi), et elle sombre dans la folie.
- Publié le 31-01-2012 à 04h15
Envoyé spécial à Monte-Carlo En 1894, désireux d’écrire un équivalent français de "Cavalleria Rusticana" et "Pagliacci", Jules Massenet signe "La Navarraise", un opéra aussi court (moins d’une heure) et plus percutant encore que ses deux modèles. Il conte l’histoire d’une jeune femme pauvre qui s’en va tuer un chef ennemi pour pouvoir, par le prix de la récompense, payer la dot requise pour épouser son bien-aimé. Et, comme il se doit, tout finit mal : le bien-aimé est mortellement blessé au combat (il croyait que sa belle avait vendu ses charmes à l’ennemi), et elle sombre dans la folie.
Contribuant de façon autrement plus originale et précieuse au centenaire Massenet que l’Opéra de Paris avec son inepte "Manon", l’Opéra de Monte-Carlo vient de ressusciter cette "Navarraise" dans une double affiche originale faisant précéder le drame vériste du délicieux "Enfant et les sortilèges" de Ravel. Hormis leur origine française, les deux ouvrages n’ont pas grand-chose en commun, sinon un lien plus ou moins direct avec la maison monégasque : "L’Enfant et les sortilèges" y a été créé en 1925, et Massenet en a été un pilier assidu, y donnant la première de six de ses opéras (mais pas de "La Navarraise" qui fut pour Covent Garden).
En commun aussi, deux maîtres d’œuvre que le public belge connaît bien. A la direction musicale de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo d’abord, Patrick Davin : "L’Enfant" était un de ses rêves, "La Navarraise" est pour lui aussi une découverte, mais on apprécie dans les deux ce mélange de clarté, de puissance et de raffinement dont le chef wallon est coutumier.
A la mise en scène - mais aussi à la programmation puisqu’il dirige l’Opéra de Monte-Carlo - il y a Jean-Louis Grinda. L’ancien patron de l’ORW signe de la fantaisie ravélienne une lecture subtile et originale, où les animaux et objets en folie se révèlent être les domestiques de la maison décidés à se venger d’un enfant trop gâté : un spectacle plein de poésie par la grâce, aussi, des décors et costumes de Rudy Sabounghi, et des chorégraphies gentiment décalées d’Eugénie Andrin.
Pour "La Navarraise", Grinda transpose l’action dans la guerre civile espagnole, avec un étonnant enchevêtrement de chaises figurant des barricades. Et convoque, pour le tout, quelques chanteurs qui lui sont chers et qu’on connaît bien à Liège, comme Béatrice Uria-Monzon (mère de l’enfant et superbe Navarraise) ou Annick Massis, somptueuse titulaire des rôles du Feu, de la Princesse et du Rossignol. S’y ajoutent de belles découvertes, comme l’Enfant de Carine Séchaye, ou les ténors Matthias Vidal (Ravel) et Enrique Ferrer (Massenet).