Le faux castrat, le chien et la piscine
Sautera, sautera pas ? Quand Fiasko - un Parson Russel des mieux élevés, au patronyme équivoque sinon extravagant dans un théâtre - entre sur scène, on se demande s’il va lever la patte, s’asseoir trop longtemps ou sauter dans la piscine. Rien de tout cela : tout au plus secouera-t-il la tête de façon assez comique quand Ernestina chante à côté de lui à pleine puissance. Nous sommes dans la luxueuse villa art déco du - nouveau - riche Gamberotto (très beaux décors de Jean-Guy Lecat) : des faux Klimt au mur, mais une vraie piscine dans le salon. Riche, snob et extravagant puisque, dès l’ouverture, ce Monsieur Jourdain se baigne en combinaison de plongée avant d’ôter sa peau de caoutchouc pour apparaître en smoking blanc du plus bel effet.
- Publié le 25-02-2012 à 04h16
Sautera, sautera pas ? Quand Fiasko - un Parson Russel des mieux élevés, au patronyme équivoque sinon extravagant dans un théâtre - entre sur scène, on se demande s’il va lever la patte, s’asseoir trop longtemps ou sauter dans la piscine. Rien de tout cela : tout au plus secouera-t-il la tête de façon assez comique quand Ernestina chante à côté de lui à pleine puissance. Nous sommes dans la luxueuse villa art déco du - nouveau - riche Gamberotto (très beaux décors de Jean-Guy Lecat) : des faux Klimt au mur, mais une vraie piscine dans le salon. Riche, snob et extravagant puisque, dès l’ouverture, ce Monsieur Jourdain se baigne en combinaison de plongée avant d’ôter sa peau de caoutchouc pour apparaître en smoking blanc du plus bel effet.
Créé à Bologne en 1811, "L’equivoco stravagante" fut rapidement interdit par la censure à cause des allusions grivoises qu’il contenait. Ce Rossini de jeunesse n’avait sans doute jamais été donné en Belgique avant la production que l’Opéra de Liège en propose aujourd’hui en coproduction avec les festivals suisses de Riehen et Saint-Moritz, et on se réjouit de la découverte. Chef d’œuvre injustement oublié ? Non sans doute, mais une belle partition pleine de rythme, avec la verve et la diversité des grands Rossini (airs, cavatines, duos et autres ensembles de toutes tailles, avec ou sans chœur) et un livret riche en doubles sens et en satire sociale. L’action réunit six archétypes - le père dominateur, la fille astucieuse, l’amoureux transi, le benêt prétentieux et le couple de serviteurs qui se révèlent les plus intelligents - et les place dans une action improbable : pour empêcher un mariage de convenance et permettre à la belle d’épouser le ténor de son cœur, le valet de chambre fait croire au promis officiel que sa fiancée est un garçon castré déguisé en fille parce qu’il a déserté l’armée. Bête à souhait, l’élu se fait duper et laisse la voie libre à son rival.
Avec humour (y compris, c’est devenu une habitude à l’ORW, dans les surtitres et au clavecin du continuo), sans occulter la dimension sexuelle du propos mais sans tomber dans la vulgarité, Stefano Mazzonis règle soigneusement cette joyeuse folie avec une direction d’acteurs soignée. Nette, précise et enjouée, la direction musicale du chef suisse Jan Schultsz est tout aussi aboutie. Belle prestation des chœurs et de l’orchestre de l’ORW (sauf quelques boulons à resserrer côté cuivres), et très belle brochette de solistes. Internationaux, avec la belle mezzo Sabina Willeit (timbre, virtuosité et ambitus impressionnants), la basse Enrico Marabelli (Gamberotto) ou les ténors Daniele Zanfardino (l’amoureux Ermanno) et Daniele Maniscalchi (le valet Frontino). Mais aussi belges, avec deux très belles prestations de Laurent Kubla (le fiancé benêt) et Julie Bailly (la femme de chambre). Le chien est assurément le seul Fiasko d’une soirée brillamment réussie.
Liège, Palais Opéra, les 24 et 28 février et le 2 mars à 20h, le 4 à 15h; direct sur dailymotion.com le 28