Michieletto tire son plan (de Paris)

"La Bohème" n’avait jamais été donnée au Festival de Salzbourg ! La faute à Gérard Mortier, qui tient Puccini en si piètre estime qu’il le bannit partout où il passe ? Oui, mais pas seulement puisqu’aucun autre directeur n’avait, non plus, programmé en été ce qui est pourtant un des ouvrages les plus populaires du répertoire.

Nicolas Blanmont

Envoyé spécial à Salzbourg "La Bohème" n’avait jamais été donnée au Festival de Salzbourg ! La faute à Gérard Mortier, qui tient Puccini en si piètre estime qu’il le bannit partout où il passe ? Oui, mais pas seulement puisqu’aucun autre directeur n’avait, non plus, programmé en été ce qui est pourtant un des ouvrages les plus populaires du répertoire.

Oubli réparé avec cette production bâtie autour de la Mimi d’Anna Netrebko (voir ci-contre) et du Rodolfo de celui qui est, pour le moment, son ténor de prédilection : Piotr Beczala. Las, mardi, Piotr n’était pas là : malade, le Polonais avait été remplacé par son collègue italien Marcello Giordani. Physique moins avantageux, âge plus avancé, voix moins sûre, de quoi sans doute enlever une partie du charme d’une production forcément conçue sur mesure.

Pas de quoi empêcher le public de passer une bonne soirée, chose finalement préférable avec des prix de places montant jusque 400€, et même plus dans les agences de revente et au marché noir. Netrebko est égale à elle-même : voix puissante, ronde et chaude, phrasés d’autant plus fluides que la diction y est complètement sacrifiée, charme toujours présent même si le visage s’est alourdi au fil des ans. Autour d’elle, pas besoin de stars pour le reste du plateau, mais tous s’acquittent sans faille de leurs rôles de seconds : on reconnaît Nino Machaidze (Musetta) et Carlo Colombara (Colline), on découvre Massimo Cavaletti (Marcello) et Alesso Arduini (Schaunard).

La direction musicale de Daniele Gatti est à l’image de la soprano : ronde elle aussi, somptueuse dans ses sonorités (le Philharmonique de Vienne), puissante et expressive, mais finalement plus hédoniste que théâtrale. Heureusement, le théâtre est là aussi : dans la mise en scène de Daniele Michieletto, véritable surdoué révélé au festival de Pesaro ("La Gazza ladra" puis "La Scala di seta") et dont la réputation grandit à raison.

A mi-chemin des lectures littérales et du Regietheater prisé des scènes allemandes mais pas de Salzbourg, l’Italien signe un spectacle consensuel qui joue l’actualisation sans chercher à choquer le bourgeois. Rodolfo est réalisateur, Marcello graffeur, Schaunard DJ et Musetta escort-girl. Ils vivent sur des matelas posés sur le sol, et c’est pour sa cigarette que Mimi demande du feu (d’où la toux qui l’emportera). Le café Momus devient le symbole de la consommation parisienne, avec sacs de shoppings et cadeaux en pagaille, tandis que la barrière de l’enfer est une baraque de hot-dog au pied du périph. Le tout ancré dans un plan de Paris en 3D, et avec la pluie qui tombe sans fin sur les fenêtres de la mansarde. Et un doigt anonyme qui y trace les lettres "Mimi" avant de les effacer au finale : il reste une place pour la poésie et l’émotion.

Salzbourg, Grosses Festspielhaus, les 10, 13, 15 et 18 août. Infos : www.salzburgerfestspiele.at.

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