La vengeance du Napolitain
En 1997, le Théâtre de la Place et la Monnaie (au Kaaitheater) faisaient découvrir "La Stellidaura Vendicante", de Francesco Provenzale (1624-1704), un des grands maîtres de l’école baroque napolitaine du XVIIe.
- Publié le 13-08-2012 à 13h13
- Mis à jour le 13-08-2012 à 13h14
En 1997, le Théâtre de la Place et la Monnaie (au Kaaitheater) faisaient découvrir "La Stellidaura Vendicante", de Francesco Provenzale (1624-1704), un des grands maîtres de l’école baroque napolitaine du XVIIe.
Quinze ans plus tard, de Marchi, successeur de Jacobs à la tête du Festival d’Innsbruck, a choisi cette même "Vengeance de Stellidaura" pour inaugurer la célèbre manifestation tyrolienne, et c’est un couple franco-belge bien connu chez nous - François De Carpentries et Karine Van Hercke - qui assure la mise en scène. Ils ont conçu, avec des moyens limités, un bel univers onirique - riche en trappes, fenêtres, elfes et étoiles - qui n’est pas sans évoquer parfois celui de la mythique "Calisto" de la Monnaie.
Faisant alterner en séquences très courtes moments comiques et moments lyriques, bien plus riche en duos, trios et ensembles que les opéras baroques plus tardifs, et mêlant, en outre, aux airs de très belles ritournelles instrumentales, "La Stellidaura vendicante" est emblématique de l’art musical très diversifié de Provenzale.
Ce mélange des genres rappelle évidemment Cavalli, mais le livret de "La Stellidaura", signé d’un jeune poète de 23 ans, n’est pas du même niveau. On peine, en effet, à croire à cette histoire souvent poussive et parfois tirée par les cheveux : Stellidaura, aimée de deux princes rivaux, mais néanmoins amis, est poussée en prison puis à la mort, parce que deux valets dissipés ont interverti les deux lettres d’amour qui lui avaient été envoyées concomitamment par ses deux prétendants. Dans un final à la "Roméo et Juliette", son bien-aimé la découvre empoisonnée et s’empoisonne à son tour, avant qu’elle, puis lui ne se réveillent tour à tour, le valet - toujours aussi dissipé - s’étant trompé de fiole et ayant pris le somnifère plutôt que le poison. Tout est bien qui finit bien, d’autant que le prétendant rejeté par la belle se révélera fort opportunément être son frère perdu.
Difficile, surtout quand ces péripéties abracadabrantesques en viennent à déclencher des tempêtes de rire dans la salle, de s’émouvoir encore vraiment.
Dommage, car la musique est de toute beauté, et que l’Accademia Monte Regalis - formation réduite ici avec deux violons seulement, mais douze autres instruments en tous genres qui assurent toute la gamme des couleurs et des affects - joue avec beaucoup d’expressivité. Expressivité aussi dans la voix de Jennifer Riviera, soprano américaine qu’on avait entendue en Cherubino à Liège l’an passé, et qui prête ici toute sa flamme au rôle-titre, quitte à prendre quelques risques.
Autour d’elle, les deux valets (Enzo Capuano et Hagen Matzeit) dament presque le pion aux deux princes (Carlo Allemano et Adrian Strooper).
Innsbruck, Tiroler Landestheater, les 10 et 12 août; www.altmusik.at. Enregistrement CD annoncé chez Sony Classical.