Les trois saisons de la renarde
Entre Robert Carsen et Marc Clémeur, c’est une fidélité de plus de vingt ans. En 1990, le jeune directeur de l’Opéra flamand confiait au metteur en scène canadien, encore mal connu en Europe, un cycle Puccini qui allait faire date (et dont plusieurs productions continuent encore aujourd’hui à être reprises en divers théâtres). Puis, une fois tous les grands Puccini montés, les deux compères relançaient l’aventure autour de Janacek.
- Publié le 19-02-2013 à 04h15
opéra Envoyé spécial à Strasbourg Entre Robert Carsen et Marc Clémeur, c’est une fidélité de plus de vingt ans. En 1990, le jeune directeur de l’Opéra flamand confiait au metteur en scène canadien, encore mal connu en Europe, un cycle Puccini qui allait faire date (et dont plusieurs productions continuent encore aujourd’hui à être reprises en divers théâtres). Puis, une fois tous les grands Puccini montés, les deux compères relançaient l’aventure autour de Janacek.
On connaît la suite. Après deux décennies de bons et loyaux services, le Flamand a quitté Gand et Anvers pour une autre maison à lieux multiples : l’Opéra du Rhin, basé à Strasbourg mais jouant également à Mulhouse et parfois même à Colmar. Carsen, lui, est devenu un des metteurs en scène d’opéra les plus en vue de la planète lyrique. Mais le cycle Janacek se poursuit en voisinage rhénan. "Jenufa" et "Katya Kabanova", déjà données à l’Opéra flamand, y ont été reprises. Une nouvelle "Affaire Makropoulos" a été créée en 2011, "De la maison des morts" est annoncé pour 2014 et, actuellement, c’est "La petite renarde rusée" qui est à l’affiche.
La nature au centre du propos
Basée sur une bande dessinée animalière, l’œuvre est d’aspect facile à première vue, mais pas nécessairement aisée à mettre en scène : mêlant personnages humains et animaux, elle doit éviter le travers de l’anthropomorphisme excessif mais aussi celui de la simple fable. Carsen s’en sort plus que bien, mettant la nature au centre de son propos. L’espace scénique est quasiment nu, mais vallonné et parfois complété par quelques éléments décoratifs qui descendent des cintres (pour figurer, par exemple, la ferme ou l’auberge). Parsemé de feuilles mortes, roux et automnal comme les renards eux-mêmes, il passe au dernier acte par la blancheur de l’hiver puis vire au vert du printemps.
Dans cet hymne pastoral, les animaux n’ont pas de masques, mais leurs costumes, couleurs et attitudes (la marche saccadée des poules, la renarde qui urine sur le terrier du blaireau ) disent assez qui ils sont. Ce qui ne les empêche pas de danser comme dans une comédie musicale pour célébrer les épousailles de la renarde et du renard : humour, poésie et fraîcheur alternent au fil de la soirée.
Le rôle de la renarde revient à une titulaire experte du rôle, l’excellente soprano anglaise Rosemary Joshua. Le reste du plateau est tout aussi excellent, avec notamment le renard d’Hannah Esther Minutillo ou le garde-chasse de Scott Hendricks, baryton bien connu du public de La Monnaie. Comme pour les épisodes précédents du cycle, Friedemann Layer est dans la fosse : on aime le lyrisme qu’il sait mettre dans les moments les plus tendres, mais l’orchestre - cette fois le symphonique de Mulhouse - manque parfois un peu d’éclat dans les couleurs qu’appellent certains passages de la partition.
Mulhouse, la Filature, les 1er et 3 mars; le spectacle est coproduit avec l’Opéra de Lille. Rens. : www.operanationaldurhin.eu