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Simon Rattle rate sa Flûte enchantée

Simon Rattle souligne des contrastes de tempo et de dynamique artificiels, qui brisent constamment la ligne. Jean-François Leclercq

Au Festival de Pâque de Baden-Baden, Simon Rattle, Robert Carsen et le Philharmonique de Berlin ne rendent pas justice à Mozart.

Entendons-nous bien: même lorsqu'une mise en scène de Robert Carsen n'est pas réussie, il s'agit toujours d'un spectacle esthétique, hyperprofessionnel et plein d'idées. Mais voilà: sa Flûte enchantée donnée à Baden-Baden, et que l'on pourra voir la saison prochaine à l'Opéra de Paris, est décevante. C'est peu dire que cette production était attendue. D'abord parce que c'était la première édition du nouveau Festival de Pâques du Philharmonique de Berlin, depuis que l'orchestre a spectaculairement claqué la porte de Salzbourg et élu domicile dans la ville de cure allemande. Ensuite parce que l'on restait sur le souvenir magique de la précédente Flûte de Carsen, il y a vingt ans à Aix-en-Provence.

Que s'est-il passé? On retrouve certes des constantes de son interprétation, à commencer par l'idée de faire de la Reine de la nuit l'alliée de Sarastro dans les épreuves infligées à Tamino, évitant ainsi tout manichéisme. Mais son imagerie est cette fois plus démonstrative que suggestive: une forêt très écolo-new age, un Papageno avec sac à dos et casquette à visière à l'envers, des dames de la nuit en veuves noires maniant le pistolet, une Papagena squelette sortant de son cercueil. Ces cercueils ensevelis qui attendent les personnages en quête de purification resteront une des belles images de cette Flûte, qui souffre d'une surabondance de recettes habiles et peine à dégager une vision poétique et humaine dans laquelle on puisse s'installer.

Les chanteurs font ce qu'ils peuvent

Encore plus difficile, pour ne pas dire impossible, de s'installer dans la direction de Simon Rattle: fascinant il y a un mois à Pleyel, le chef tombe ici dans tous ses travers, accentués à l'opéra et dans Mozart. Cherchant midi à quatorze heures, mal influencé par les baroqueux, il souligne des contrastes de tempo et de dynamique artificiels, qui brisent constamment la ligne, son absence de pulsation donnant l'impression que l'orchestre et les chanteurs vont chacun leur chemin… Pour son emménagement à Baden-Baden, le Philharmonique de Berlin, glorieux voici quatre semaines à Paris, se montre peu mozartien, sans couleur spécifique.

Sans ligne directrice, les chanteurs font ce qu'ils peuvent: Tamino très musical de Pavol Breslik, voix pleine et saine de Michael Nagy en Papageno, basse prometteuse du Russe Dimitry Ivaschenko en Sarastro, mais aussi Pamina bien froide de Kate Royal, Reine de la nuit dépassée par les événements avec Ana Durlovski (il est vrai qu'elle remplaçait Simone Kermes au pied levé), et trio de dames aussi luxueux que mal apparié (Annick Massis, Magdalena Kozena, Nathalie Stutzmann!). Dans une œuvre aussi homogène, une telle absence d'unité empêche d'entrer dans le propos. Test infaillible? Quand le temps vous paraît long dans la Flûte enchantée, c'est que quelque chose ne va pas…

Festspielhaus de Baden-Baden jusqu'au 1er avril.

La flûte enchantée de Mozart par le Philharmonique de Berlin dirigé par Simon Rattle sera retransmis en direct de Baden-Baden sur Mezzo le 1er avril.

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3 commentaires
  • Elsa09

    le

    Les mises en scène de R. Carsen sont inégales. Celle de Lohengrin à Paris était très médiocre alors que celle des contes d'Hoffmann était magnifique. Mais que S. Rattle ait pu se fourvoyer ainsi c'est très décevant. Je fais confiance à P. JOrdan prévu à Paris pour la saison 2013-2014 pour redresser la situation.

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