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Festival d'Aix-en-Provence : rien que pour les yeux

Dans un intérieur bourgeois figé, The House Taken Over se déroule entre huis clos psychologique et histoire de fantômes. Patrick Berger/ArtComArt

La création du Portugais Vasco Mendonça, The House Taken Over, bénéficie d'une belle scénographie mais manque d'écriture vocale.

Bernard Foccroulle s'était fixé pour objectif de commander chaque année une nouvelle œuvre à un compositeur contemporain, faisant du Festival d'Aix-en-Provence un moteur de la création. Il s'y tient. L'an dernier, Written on Skin, production de George Benjamin , s'était payé le luxe d'être l'événement majeur du festival, et même l'événement lyrique de l'année.

Il serait injuste de lui comparer The House Taken Over, de Vasco Mendonça, le nouvel opéra de l'édition 2013, qui vient d'être créé au Grand Saint-Jean. D'abord parce qu'on ne produit pas chaque année un chef-d'œuvre. Ensuite parce que le propos est quelque peu différent: avec des moyens considérables, Benjamin jouait le jeu de la grande forme et du grand orchestre, on revient avec Mendonça à des proportions de chambre plus modestes, mais aussi propices à l'expérimentation.

Impression d'uniformité

Le compositeur portugais, qui est du reste un élève de Benjamin, a pris pour sujet de son premier opéra une nouvelle de Julio Cortazar: dans Casa tomada ( La Maison envahie ), un frère et une sœur, qui vivent dans la maison familiale une existence placée sous le signe de rituels immuables, sont progressivement chassés de leur demeure par des phénomènes surnaturels. Entre huis clos psychologique et histoire de fantômes, le texte intrigue par son ambivalence, sans qu'il soit toujours possible de déceler ce qui relève du fantastique et de l'allégorie, un peu à la manière de Kafka ou Henry James.

Le livret de Sam Holcroft fournit-il suffisamment de tension dramatique pour éviter la monotonie pendant l'heure que dure l'opéra? Mendonça est-il parvenu à restituer musicalement une évolution, des contrastes, des retournements? Après une seule écoute, il est toujours périlleux de formuler un jugement catégorique. Le fait est que son écriture instrumentale pointilleuse excelle à trouver des couleurs étranges et à créer des climats. Mais cela suffit-il à faire naître une dramaturgie et une construction? C'est une impression d'uniformité qui se dégage de cette succession d'atmosphères, sentiment accentué par la confondante banalité de l'écriture vocale, décidément la pierre d'achoppement pour tout compositeur de théâtre musical aujourd'hui.

Un phénomène que n'arrange en rien le manque de présence vocale du baryton Oliver Dunn et de la mezzo Kitty Whately. C'est d'autant plus regrettable que la mise en scène de Katie Mitchell est fascinante, dans la scénographie si ­suggestive d'Alex Eates: cet intérieur bourgeois figé qui prend progressivement vie jusqu'à chasser ses habitants, l'image est parvenue à le suggérer plus puissamment que la musique et le texte, d'où un sentiment de déséquilibre entre le statisme de l'écriture et la dynamique de la scénographie.

The House Taken Over fera l'ouverture le Festival Musica de Strasbourg, le 21 septembre. Une seconde écoute ne sera pas de trop pour vérifier si l'on a été injuste ou non…

Diffusion sur France Musique, le 3 août, à 12 h 40.

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