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Critique

« Rigoletto », Carsen en fait tout un cirque...

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Par Philippe Venturini

Publié le 11 juil. 2013 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

« J'ai [...] décidé, en accord avec mon décorateur Radu Boruzescu, de m'éloigner des indications réalistes du livret et de créer une ambiance assez différente », explique Robert Carsen. Le metteur en scène quitte ainsi la riche cour de Mantoue à la Renaissance pour un pauvre cirque contemporain. Rigoletto n'est plus un bouffon bossu mais un clown. « Un clown triste et solitaire, qui cache un secret », poursuit Carsen. Ce secret c'est sa fille, la douce Gilda qu'il surprotège et à qui il interdit de quitter le domicile (une roulotte, bien sûr) sauf pour se rendre à l'église. Mais dès qu'il revêt son habit d'amuseur, « il rappelle en permanence à son entourage la vanité de l'existence humaine ». Le grand cirque de la vie. Eloigné de son duché originel, Rigoletto conserve la personnalité ambivalente de son modèle Triboulet dans « Le roi s'amuse », la pièce de Victor Hugo. Si Rigoletto a perdu sa bosse dans la transposition, il garde définitivement ses bleus à l'âme.

En grand maître de la scène, Robert Carsen impressionne par une mémorable scène d'ouverture où les aristocrates sont des messieurs en smoking installés dans les gradins du cirque reluquant les cabrioles suggestives de félines strip-teaseuses. « La fête a un peu le caractère d'une orgie », écrivait Hugo. Seins nus, poupée gonflable et gestes de mâle en rut sont ainsi de la partie. Mais Carsen propose aussi des moments de grâce, tel cet air de Gilda porté sur un trapèze sous une voûte céleste lumineuse. Comme toujours, il éblouit par un métier et une élégante maîtrise assujettis à un propos.

Familier du rôle, le baryton géorgien George Gagnidze incarne un Rigoletto à la fois féroce et douloureux (son costume et son maquillage, empruntés au film muet de Victor Sjöström « Larmes de clown »), d'une formidable présence scénique mais il manque un peu de projection vocale. Cela n'est rien comparé au duc de Mantoue, l'effroyable séducteur qui s'amusera de la naïveté de Gilda, d'Arturo Chacón-Cruz, redoutable clairon mexicain qui a pour autre mauvais goût de chanter trop bas. La soprano russe Irina Lungu interprète en revanche une Gilda à la fois tendre et déterminée, résolue à mourir pour un amour qu'elle sait sans lendemain. Très bons seconds rôles et excellent choeur.

Depuis une fosse à l'acoustique nettement améliorée, l'orchestre symphonique de Londres souffle le chaud et le froid sous la direction extraordinaire d'intensité, de clarté (la netteté des plans) et d'éloquence de Gianandrea Noseda. Le chef italien contribue généreusement à la réussite de la soirée.

Philippe Venturini

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