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Ravissement musical

Pesaro
Adriatic Arena
08/11/2013 -  et 14, 17*, 20 août 2013
Gioacchino Rossini : Guillaume Tell
Nicola Alaimo (Guillaume Tell), Juan Diego Flórez (Arnold Melchtal), Simon Orfila (Walter Furst), Simone Alberghini (Melchtal), Amanda Forsythe (Jemmy), Luca Tittoto (Gesler), Alessandro Luciano (Rodolphe), Celso Abelo (Ruodi, pêcheur), Wojtek Gierlach (Leuthold / Un Chasseur), Marina Rebeka (Mathilde), Veronica Simeoni (Hedwige)
Coro del Teatro Comunale di Bologna, Andrea Faidutti (préparation), Orchestra del Teatro Comunale di Bologna, Michele Mariotti (direction musicale)
Graham Vick (mise en scène), Paul Brown (décors et costumes), Giuseppe Di Iorio (lumières), Ron Howell (chorégraphie)


(© studio amati bacciardi)


Le Guillaume Tell de Rossini est un véritable joyau musical, le testament lyrique d’un compositeur de 37 ans qui savait déjà, avant même d’avoir écrit la dernière note, qu’il ne pourrait pas aller plus loin dans son art. Le Rossini Opera Festival de Pesaro a eu l’heureuse idée de présenter la version française intégrale de ce chef-d’œuvre absolu, plus de quatre heures de musique avec les scènes de ballet composées pour la Grande Boutique qu’on a l’habitude de couper la plupart du temps. D’ailleurs, Donizetti n’a-t-il pas dit que le deuxième acte a été « écrit par Dieu » ? L’émerveillement ressenti à l’écoute de cette partition d’un tel souffle et d’un tel raffinement est dû aussi à la baguette inspirée de Michele Mariotti, galvanisant un Orchestre de l’Opéra de Bologne des grands soirs. Dès le début de l’Ouverture, on comprend instantanément que la soirée sera placée au plus haut niveau, sur le plan musical du moins. Le jeune chef italien (il a à peine trente ans) ne laisse à aucun moment faiblir la tension dramatique – une gageure vu la longueur de l’œuvre – et offre une interprétation frémissante, tantôt fougueuse et nerveuse, tantôt lyrique et passionnée, mais toujours précise et équilibrée. Si sa lecture est moins éclatante et brillante que celle qui a été gravée par Riccardo Chailly dans un enregistrement célèbre qui fait référence (version italienne), elle n’en gagne pas moins en force d’introspection, avec beaucoup d’émotion et une touche de mélancolie. Ovationné au terme de la représentation, Michele Mariotti s’affirme indubitablement comme la valeur sûre de la nouvelle génération des chefs transalpins. A Pesaro, il a pu compter non seulement sur l’Orchestre de l’Opéra de Bologne, dont il est le directeur artistique, mais aussi sur le chœur du théâtre, qui joue un rôle-clé dans l’ouvrage et qui a offert une prestation superlative, avec une excellente diction française de surcroît.


La distribution s’est hissée au même niveau. Chacun à Pesaro attendait avec impatience l’Arnold de Juan Diego Flórez, la star incontestée du Festival, fidèle à Rossini été après été. Le chanteur péruvien n’est peut-être pas exactement le ténor héroïque qui sied au personnage, mais le manque de puissance est largement compensé par une technique sans faille, un phrasé impeccable, une intensité dans le chant et des aigus éclatants, autant d’atouts qui rendent son incarnation tout simplement irrésistible. En Mathilde, Marina Rebeka est une révélation : sa belle voix claire et ample fait merveille, même si les vocalises sont parfois à la peine. Avec son physique robuste quelque peu pataud, Nicola Alaimo semble l’incarnation même de Guillaume Tell. Le personnage est ici un anti-héros tourmenté, en proie au doute, avec notamment une scène de la pomme admirable : avant de saisir son arbalète, il est prostré à terre, totalement immobile, conscient qu’il risque de tuer son propre fils. Vocalement, l’interprète éblouit par la finesse de son chant et le velours de son timbre, quand bien même la voix manque quelque peu de projection. Quoi qu’il en soit, sa prononciation française est remarquable. Le reste de l’équipe vocale est à l’avenant, avec notamment un magnifique Jemmy chanté par Amanda Forsythe et une Hedwige émouvante incarnée par Veronica Simeoni, sans oublier le Walter Furst de Simon Orfila.


Le soir de la première, le metteur en scène Graham Vick et son équipe ont été copieusement sifflés. Un poing blanc tendu sur le rideau de scène rouge donne le ton de la production conçue par l’artiste anglais. La Suisse avec ses montagnes et ses lacs est à peine esquissée. L’espace scénique est sobre et abstrait, délimité par de grandes parois blanches. L’action ne se situe pas au Moyen Age mais au début du XIXe siècle, lorsque les peuples opprimés rêvaient de combats et de révolutions pour se débarrasser d’envahisseurs brutaux et sans scrupules qui les tenaient fermement sous leur joug. Si le propos semble logique et cohérent (la lutte des Suisses pour leur indépendance devient celle de tous les peuples soumis), le spectacle regorge malheureusement de détails incompréhensibles qui brouillent les pistes de lecture et laissent les spectateurs dubitatifs. Pourquoi, par exemple, les Suisses enlèvent-ils leurs chaussures pour les utiliser ensuite comme instruments de musique au cours de leurs danses ? Ou encore pourquoi les chevaux des Autrichiens se retrouvent-ils entassés les uns sur les autres ? Dans la liste des éléments qui fâchent, il faut ajouter le bruit insupportable des semelles des danseurs et des figurants sur le sol. Mais surtout pourquoi diable ce spectacle est-il présenté dans l’Adriatic Arena, sorte de Zénith dévolu normalement aux matchs de basket et aux concerts pop/rock ? L’acoustique n’est pas des meilleures, les fauteuils grincent et sont inconfortables et la climatisation fait entendre un bruit sourd. Heureusement, l’émerveillement musical est tel(l) que les désagréments sont vite oubliés. Bonne nouvelle pour tous ceux qui n’ont pas pu se rendre à Pesaro : le spectacle devrait faire l’objet d’un DVD.


Ecouter la retransmission sur le site de France Musique



Claudio Poloni

 

 

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