Cosi fan… tutti
- Publié le 31-08-2013 à 05h42
Opéra Nicolas Blanmont Envoyé spécial à Salzbourg A deux reprises, le nouveau "Cosi fan tutte" aura marqué les limites du système Pereira. L’hiver dernier, d’abord, quand Franz Welser-Möst avait annoncé qu’il se retirait du projet salzbourgeois d’une nouvelle trilogie Mozart Da Ponte, invoquant des plannings de répétition et de récupération insuffisants pour les chanteurs : c’était un allié jusque-là fidèle qui prenait ses distances avec Alexander Pereira. Et, si le directeur du Festival de Salzbourg prouvait une fois encore son efficacité et l’étendue de son carnet d’adresse en mettant à peine 24h pour trouver un plan B, on s’étonnait quelque peu du nom du remplaçant : Christoph Eschenbach, chef aux répertoires assurément variés mais pas nécessairement réputé pour ses lectures mozartiennes.
La deuxième fois, ç’aura été cet été en découvrant ce spectacle qu’on jugerait sans doute très honnête s’il était programmé dans n’importe quel théâtre de province allemande, mais qui semble trop moyen pour un festival comme Salzbourg. Salzbourg, ville natale de Mozart. Et Salzbourg qui, pour des billets allant jusque 400 €, devrait sans doute offrir mieux à ses spectateurs qu’un chef sans inspiration, une mise en scène qui réduit l’œuvre à un marivaudage et des chanteurs simplement bons (Gerald Finley en Don Alfonso, Luca Pisaroni en Guglielmo), honnêtes (Martina Jankova en Despina, Martin Mitterrutzner - Martin qui ? - en Ferrando) ou d’une justesse aléatoire (Malin Hartelius en Fiordiligi, Marie-Claude Chappuis) en Dorabella. Surtout quand, dans la salle à côté, on a pour le même prix Pappano, Kaufmann et Harteros dans "Don Carlo" monté par Peter Stein.
Fidèle de la bande à Pereira à Zurich, Sven-Eric Bechtolf s’est vu confier ce cycle qui se poursuivra avec "Don Giovanni" l’an prochain et "Le Nozze di Figaro" en 2015. Il a placé l’histoire dans une orangerie, décor unique avec plantes au premier acte et sans au second : joli, mais nullement créateur de sens. Les solistes entrent et sortent, forcent les rires comme ils forcent les pleurs, et tout cela semble banal, même si l’on n’a pas en mémoire la vision de Michael Haneke à Bruxelles ou celle de Claus Guth ici à Salzbourg. Musicalement, c’est bien en place, mais un peu lent et dépourvu de poésie (même "Soave sia il vento" tombe à plat). Le spectateur s’ennuie poliment : à la première, même le Philharmonique de Vienne a été hué.
Cosi fan tutti ? Ainsi font-ils tous ? C’est justement là le problème : surtout dans Mozart, Salzbourg doit faire plus et mieux.