“Platée” inaugure avec grâce l'année Rameau

A l'Opéra-Comique, les Arts florissants et Robert Carsen transposent l'héroïne de Rameau dans le milieu de la mode. Une satire plus grinçante que jamais.

Par Gilles Macassar

Publié le 21 mars 2014 à 14h59

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h11

Nouveau trophée pour le tandem Arts florissants-Robert Carsen : après Semele de Haendel au festival d'Aix-en-Provence, Armide de Lully au Théâtre des Champs-Elysées, Les Boréades de Rameau au Palais Garnier, au tour de Platée, du même Rameau, de connaître le succès, les ovations qui ont salué cette première (très) parisienne, salle Favart, ne laissent pas de doute. C'était pourtant un enjeu des plus risqués, tant sont épineux le sujet faussement burlesque et le ton doux-amer de cette comédie-ballet – ou ballet-bouffon, Rameau a hésité sur l'appellation de sa satire.

Pour berner la jalousie de Junon envers son époux Jupiter, ce dernier, conseillé par un dieu Mercure entremetteur, simule une passion pour la nymphe Platée, disgrâciée et disgrâcieuse, régnant sur marécages et marigots. Jeux cyniques de dupes, dont la ridicule et trop crédule Platée fait seule les frais. Victime d'autant plus pitoyable en scène, qu'au travesti (dans le répertoire baroque, les rôles féminins grotesques, duègnes ou nourrices, sont tenus par des hommes) s'ajoute, souvent, un déguisement en grenouille, selon une tradition scénique mal fondée.

Cyril Auvity (Mercure) & Marcel Beekman ( Plate?e). © Monika Rittershaus

Cyril Auvity (Mercure) & Marcel Beekman ( Plate?e). © Monika Rittershaus

Quant aux divertissements dansés, réglés avec une vitalité inépuisable par le chorégraphe Nicolas Paul, on les a rarement entendus rythmés de façon aussi précise, nerveuse, jaillissante. « Il y a assez de musique dans cet opéra pour en composer dix autres » déclarait le vieux Campra après la première tragédie lyrique de Rameau. Une même surabondance d'inventions et de couleurs éclate dans Platée. Galvanisés par un état de grâce palpable, les musiciens des Arts florissants déversent allègrement la corne d'abondance, sous la direction de Paul Agnew appelé à la rescousse, après l'empêchement soudain de William Christie de participer à ces représentations.

Trônant, le soir de la première parisienne, au premier rang de corbeille, le fondateur des Arts florissants, monarque convalescent mais gaillard, savoure le succès d'une production qu'il a intensément voulue, mais qu'un accident de santé ne lui permet pas de diriger, actuellement. Rien, sans doute, ne peut mieux contribuer à son rétablissement que d'entendre son orchestre sonner avec autant d'opulence, de justesse, de mordant. C'est Rameau en son jardin, avec son ordonnance instrumentale à la française, ses bourgeonnements vocaux à l'italienne. Pas d'inquiétude dynastique à avoir, non plus : en dauphin désigné, Paul Agnew règne avec une autorité naturelle sur un ensemble plus soudé et fervent que jamais. Pour avoir, dans une carrière antérieure de ténor, interprété le rôle titre, Paul Agnew offre également aux chanteurs autant de soutien et de sollicitude qu'à ses partenaires dans la fosse. L'année Rameau a de beaux jours devant elle.

A voir :

Platée, de Jean-Phlippe Rameau, avec Marcel Beekman, Simone Kermes, Emmanuelle de Negri, Marc Mauillon, Cyril Auvity, Edwin Crossley-Mercer, João Fernandes, chœur et orchestre Les Arts florissants, dir. Paul Agnew, mise en scène Robert Carsen, chorégraphie Nicolas Paul, les 22, 24, 25, 27 et 30 mars à l'Opéra-Comique.

Diffusion sur France Musique, le 12 avril et sur Culturebox et Mezzo le 27 mars

La leçon de William Christie, concert-conférence autour de Rameau, solistes et musiciens Les Arts florissants, le 28 mars à 20h à l'Opéra-Comique.

Hippolyte et Aricie, parodie pour chanteurs et marionnettes, Ensemble Philidor, dir. Mira Glodeanu, mise en scène Jean-Philippe Desrousseaux, le 29 mars à l'Opéra-Comique.

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