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Une Platée « fashion victim »

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Par Philippe Venturini

Publié le 24 mars 2014 à 01:01

« Platée, c'est nous, et le dieu de Platée, c'est aujourd'hui la star inaccessible », explique Robert Carsen dans le programme. Le metteur en scène quitte ainsi la Grèce antique pour notre monde d'aujourd'hui dominé « par le règne de l'image, du paraître ». Cette histoire de « naïade ridicule » qui vit dans un marais, espérant que « mille amants viendront l'adorer » et convaincue que Jupiter est tombé sous son charme, devient alors une « fashion victim ». Toutes les allusions au physique de Platée, à son air de batracien et à son langage riche en coassements (le livret lui attribue moult rimes en « oi ») disparaissent pour mieux souligner l'universalité de cette « comédie lyrique » présentée sous le règne de Louis XIV.

Dans ce royaume du brillant, du superficiel, de la singularité vestimentaire (se croisent des looks gothique, cuir, rasta et branché), le dieu suprême, reconnaissable à son catogan, à ses lunettes noires et à ses mitaines noires, ne descend pas de l'Olympe mais du célèbre escalier de la rue Cambon. Et si ce Jupiter de la mode ne s'exprime pas avec un léger accent allemand, il est entouré d'objets marqués d'un logo en double J qui évoque à s'y méprendre celui du célèbre couturier. Platée, obnubilée par son désir de plaire et d'être aimée, multiplie les soins et apparaît avec un masque de beauté vert sur le visage. Cette transposition habile fonctionne parfaitement et ne gomme pas la cruauté de la fable. Jupiter feint d'aimer Platée simplement pour exciter la jalousie de son épouse Junon, et la malheureuse finira quasiment nue, raillée par tous.

Distribution très équilibrée

Pour que cet opéra irrésistible fasse mouche, il doit se faire comprendre. L'équipe réunie à l'Opéra-Comique a donc soigné son français à l'exception de Simone Kermes, seule erreur dans une distribution très équilibrée et brillante. La soprano allemande mange ses mots et, surtout, n'a pas la ligne vocale de la Folie, ordonnatrice de cette farce. Peut-être Marcel Beekman force-t-il le trait et menace-t-il parfois de confondre le rôle-titre, travesti, avec Zaza de « La Cage aux folles », mais son abattage et sa santé vocale emportent toute réserve.

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Les rôles secondaires, attribués à des familiers de ce répertoire baroque, se montrent excellents, notamment Cyril Auvity, Marc Mauillon et Emmanuelle de Negri. Remplaçant William Christie, au repos forcé mais présent dans la salle le soir de la première, Paul Agnew, qui autrefois chanta « Platée », dirige Les Arts florissants avec conviction, sans accroc ni faute de goût.

Philippe Venturini

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