La malédiction des pharaons frappe encore
Malgré l’élégance d’Arrivabeni, "Aida" à nouveau victime du spectaculaire.
- Publié le 29-03-2014 à 00h00
- Mis à jour le 30-03-2014 à 09h58
Sur le site de l’ORW, "Aida" est annoncé comme "l’opéra spectaculaire par excellence". Funeste malentendu dont l’œuvre est victime depuis longtemps : au motif d’une scène triomphale (la marche du deuxième acte, avec ses fameuses trompettes thébaines), trop de metteurs en scène versent dans le péplum. Pour cet acte, mais aussi pour les trois autres qui, pourtant, appellent plutôt l’intimisme.
Dernier kitsch
Noyée dans le dernier kitsch égyptien, la production liégeoise (créée à Bordeaux en 2006 et reprise ici par un assistant sans réelle direction d’acteurs), est une nouvelle illustration de cette voie sans issue : le metteur en scène Ivo Guerra se contente d’empiler des éléments de décors et des symboles pseudo-égyptiens en y glissant, sans convaincre, une part d’imaginaire personnel. On évoluera de guerriers/esclaves seulement vêtus de pagnes (couches culottes ?) rampant comme des zombies sortis du "Thriller" de Michael Jackson jusques et y compris sous la robe d’Amneris (fou-rire garanti) à une chorégraphie façon rugbymen néo-zélandais sur le ballet de l’acte 2, en passant par quelques ricanements (tombera, tombera pas ?) quand le Pharaon, sa fille et le grand-prêtre entrent sur des estrades à (lombrics) porteurs. Pas sûr que Gérard Mortier, auquel le spectacle est dédié, aurait cautionné le style.
Belle musique quand même
Dommage pour la musique, d’autant que, pour sa première "Aida", Paolo signe une direction élégante, soucieuse de mettre en lumière la richesse des détails orchestraux et capable, elle, de ne pas tomber dans la vulgarité. Et, si les chœurs trahissent encore quelques imprécisions dans les attaques, leur vaillance est constante, tandis que l’Orchestre de l’Opéra se montre en grande forme.
Avec neuf représentations en une dizaine de jours à peine, deux distributions se relaient. A la première mardi, on aura particulièrement apprécié l’Amneris sonore, intense et très sûre de Nino Surguladze.
L’Aida de Kristin Lewis séduit par la fraîcheur de son timbre et la grâce de ses déplacements, mais la voix semble parfois un peu serrée, et connaît un vrai passage à vide dans le "Qui Radamès verrà !").
La palme de la projection et de la puissance sonore revient sans nul doute au Radamès de Massimiliano Pisapia, mais le ténor italien souffre d’un charisme scénique limité et accuse certains excès véristes. Mark Rucker, enfin, est un Amonasro expérimenté et solide, mais au jeu scénique trop souvent caricatural.
Liège, Théâtre Royal, jusqu’au 5 avril; www.operaliege.be