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Into the Woods, le conte est bon

Nicholas Garrett (Baker), Beverley Klein (Witch), Christine Buffle (Baker's Wife)
(de gauche à droite) dansInto the Woods Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet

Spectacle fastueux, musique ciselée, mise en scène millimétrée, l'œuvre de Stephen Sondheim est un enchantement.

Autant ne pas vous faire languir: Into the Woods, la nouvelle production du Châtelet, est un spectacle brillantissime. D'abord parce que l'œuvre, dont c'est la création française, est étonnante. Créée en 1987, cette douzième comédie musicale de Stephen Sondheim, version américaine de Promenons-nous dans les bois, est aussi l'une de ses plus populaires. Rien d'étonnant: après le livret un peu contourné de Sunday in the Park with George, avatar intello d'un genre conçu pour être divertissant, la star de Broadway souhaitait traiter un sujet féerique.

Mais Sondheim reste Sondheim: on est plus proche de la psychanalyse de Bruno Bettelheim que des livres d'enfants, et sa musique, quoique immédiatement accessible, reste très savante. On n'est pas dans la chansonnette! Si l'assise donnée par l'orchestre semble simple et immuable, les harmonies et rythmes dévolus aux chanteurs sont d'une élaboration et d'une complexité redoutables. C'est ce mélange de swing et de musique contemporaine qui fait la richesse de Sondheim: on pourrait certes lui reprocher un côté hybride, mais son génie réside précisément dans la fusion du savant et du populaire.

Distribution d'excellence

Sur cette écriture musicale ciselée se déploie une action savoureuse. Jugez plutôt: pour se libérer d'un sort, un boulanger doit fournir à une sorcière une vache blanche comme le lait, une cape rouge comme le sang, des cheveux jaunes comme le maïs et une chaussure pure comme l'or. Il se rend donc dans la forêt pour se procurer les objets requis, et croise au passage Jack et le haricot magique, le Petit Chaperon rouge, Rapunzel et Cendrillon. Les contes s'entremêlent, les personnages finissent par ne plus savoir dans quel récit ils se trouvent, et lorsque l'intrigue semble dénouée, chacun connaît une crise d'identité. Rassurez-vous, la psychanalyse jungienne est très édulcorée, et cette vision contemporaine prend tout son sel quand elle pratique le second degré ironique, davantage que dans la morale mièvre des dernières scènes, manie américaine à laquelle le livret pourtant habile de James Lapine n'a pas échappé.

Le spectacle de Lee Blakeley est fastueux. Comme pour Sunday in the Park with George , il bénéficie du concours d'un décorateur exceptionnel: après William Dudley, voici Alex Eales, grand recycleur d'images d'Épinal, dont la forêt tournante se métamorphose au gré des retournements du livret. La mise en scène est réglée au millimètre, sachant basculer de la parodie à l'émotion avec tout le professionnalisme requis, même si l'épisode du géant traîne en longueur. On garde une affection particulière pour les marionnettes réalisées par Max Humphries, en particulier cette vache articulée devenue la mascotte du public

À spectacle abouti, distribution d'excellence: celle du Châtelet brille de mille feux. Composée majoritairement de chanteurs rompus à l'opéra, elle privilégie un chant lyrique assumé, sans pour autant trahir la spécificité de la comédie musicale. Les femmes, en particulier, se couvrent de gloire, à commencer par Christine Buffle, d'une présence scénique et d'une densité vocale époustouflantes en femme du boulanger, ou Kimy McLaren, Cendrillon lumineuse.

Le ténor Pascal Charbonneau passe du baroque français à l'univers de Broadway avec une aisance stupéfiante, et si les barytons Nicholas Garrett et Damian Thantrey sont irréprochables, on se gardera d'oublier les bêtes de scène que sont Beverley Klein et Leslie Clack, cautions théâtrales d'une distribution en majorité opératique. Le mélange des genres fonctionne à plein, unifié par la direction incroyablement précise de David Charles Abell, à la tête d'un tonique Orchestre de chambre de Paris.

 Into the Woods, Théâtre du Châtelet, (Paris Ier), jusqu'au 12 avril. Diffusion sur France Musique le 15 avril à 20 heures.

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1 commentaire
  • Louis A.

    le

    Pour la bonne compréhension de tous, peut-on demander un effort de traduction à la personne qui a écrit la légende de la photo qui surmonte l'article ? A moins qu'elle se soit contenter de recopier le programme original en anglais sans rien comprendre de ce qu'elle écrivait... Dans ce cas, nous allons l'aider : baker = le boulanger, witch = la sorcière, baker's wife = la femme du boulanger.

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