Accueil

Lille : «Elena» à l’opéra, ravissements et sensualité à tous les étages

Quelques mois après le festival d’Aix-en-Provence de l’été dernier, le public lillois peut découvrir cette « Elena », de Francesco Cavalli. Une partition puisée dans l’œuvre considérable et encore peu explorée de l’un de ces maestros italiens qui, au milieu du XVIIe siècle, font découvrir à la France les magies de l’opéra. Musique, voix, scénographie : ce spectacle est une splendeur, ravissements et sensualité à tous les étages.

Temps de lecture: 3 min

D’abord, l’intrigue. Elle tourne autour de la belle Hélène de Sparte, courtisée par Ménélas, enlevée par Thésée qui a délaissé Hippolyte, laquelle décide néanmoins de le retrouver. Poursuivis et poursuivants, nos héros qui endossent à tour de rôles (c’est le cas de le dire) des travestissements pour parvenir à leurs fins, passent la mer – où ils croisent Neptune – traversent une forêt enchantée, rencontrent le roi Tyndare et son bouffonne, combattent les jumeaux Castor et Pollux… Les publics de l’époque connaissant leur Mythologie pour les Nuls, les librettistes s’en donnaient à cœur joie.

Aujourd’hui, on n’a sans doute plus les références, mais la magie opère. Cette Elena est même un petit joyau théâtral où les guerres de caractères, les tourments amoureux et les rivalités sexuelles sont le quotidien des humains. Tirades du meilleur effet sur l’inconstance et la rouerie des femmes – « Qui ne cèdent que si on les force un peu » – la veulerie des hommes – « Vous êtes folles, belles dames, si vous croyez vos amants » –, mots à double sens : on rit souvent et franchement, tout cela est parfaitement emballé, presto, par la mise en scène inventive et baroquisante de Jean-Yves Ruf.

Et puis, la musique, et puis les voix ! La partition de Cavalli – qui fut élève de Monteverdi – est une succession, une magnifique palette d’airs, duos, trios vocaux où le raffinement le dispute à la sensualité. Les états de la passion amoureuse y sont déclinés avec une fureur terriblement charnelle (italienne !). Depuis deux orgues qu’il joue tout en conduisant l’excellente Cappella Mediterranea, (dix musiciens dans un continuo impeccable), Leonardo Garcia Alarcon mène les chanteurs sans temps mort, pulsation et rubato. Treize jeunes chanteurs – la distribution a changé depuis Aix –, qui endossent leurs rôles avec un bel abattage, se jouant des inversions de rôles, de voix et de postures comme les aimait le théâtre du XVIIe siècle. Jusqu’à la magnifique ambiguïté du sopraniste Kangmin Justin Kim (Ménélas). Mention également à Elena (Giuilia Semenzato), Hippolyte (Giuseppina Bridelli) et Thésée (David Szigetvari). L’œuvre se termine sur les couples – Elena-Ménélas, Hippolyte-Thésée – chantant leur félicité amoureuse (air qui ne serait pas sans rappeler le duo d’amour final du Couronnement de Poppée de Monteverdi). Une merveille on vous dit.

Mercredi 9 et jeudi 10 avril à 19h30 à l’opéra, place du Théâtre à Lille. 33 à 5 €. 03 62 21 21 21.

L'info en continu Toute l'info en continu > Services
Lire aussi