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Critique

Britten ou l'humanité blessée

Par Philippe Venturini

Publié le 17 avr. 2014 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

« Innocent tu as appris combien la vie est proche d'un supplice », explique l'institutrice Ellen Orford au jeune John en découvrant un bleu sur son cou. Une fois de plus, le pêcheur Peter Grimes n'a pu contenir sa violence et va définitivement passer pour une ignoble brute. Tout le village le pense déjà responsable de la mort de son précédent apprenti bien que le tribunal ait conclu à un accident. On découvre dans « Peter Grimes », qui imposa Benjamin Britten (1913-1976) au lendemain de la Seconde Guerre mondiale comme un des maîtres de la scène lyrique, que le rôle-titre porte son existence comme une croix. Brutal, car maladroit, il ne rêve que d'une vie paisible et bourgeoise, auprès d'Ellen. Mais la chute fatale de John sur une falaise glissante le condamnera à se saborder en pleine mer pour ne pas affronter l'hostilité de tous. « Peter Grimes » est sans conteste la plus éclatante réussite de ce festival Britten de l'Opéra de Lyon, qui présente aussi « Le Tour d'écrou » et « Curlew River » (la rivière aux courlis).

Démonstration de théâtre

Le metteur en scène Kazushi Ono conserve l'environnement marin et le XIXe siècle du récit originel de George Crabbe. Mais il réduit le décor (bravo à Tom Schenk) à un fond de scène aux reflets de bleu - comme la mer qui engloutira Grimes - et de rouille - comme la rumeur qui grippe les esprits. Quelques conteneurs attaqués par le sel et le temps suffisent à évoquer le pub du village, où les (mauvaises) langues se délient, et la modeste habitation de Grimes.

Ce qui pourrait n'être qu'un superbe geste esthétique se révèle une magistrale démonstration de théâtre grâce à une gestion rigoureuse du plateau où se distillent la médisance des villageois et la peine de Grimes. Aussi oublie-t-on les incertitudes vocales d'Alan Oke (intonation souvent un peu basse) qui dévoile l'humanité blessée du rôle-titre avec une intensité bouleversante. Il trouve en Michaela Kaune une Ellen charitable et droite. Kazushi Ono anime autant qu'il maîtrise la houle orchestrale de ce chef-d'oeuvre qui laisse abasourdi. Il parvient également à éclairer les subtilités instrumentales du « Tour d'écrou » confié à une équipe vocale moins parfaite et à une mise en scène décorative mais redondante de Valentina Carrasco.

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La reprise du « Curlew River », étrange « parabole d'église », admirablement réglé par Olivier Py complète cet ensemble qui rappelle le dynamisme de l'Opéra de Lyon.

La critique détaillée du Festival Britten lesechos.fr/lifestyle

Philippe Venturini

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