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The King and I : Siam plaît beaucoup

Susan Graham et Lambert Wilson dans The King and I. Marie-Noëlle Robert-Théâtre du Châtelet

Le Châtelet donne une nouvelle production étourdissante de «The King and I», classique qui se déroule dans l'ancienne Thaïlande avec Lambert Wilson dans le rôle-titre.

Fallait-il oser? Fallait-il monter à nouveau The King and I ? Le pari était risqué: parce que les tubes de ce classique de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II se fredonnent moins que ceux de La Mélodie du bonheur ; que le public français garde dans ses souvenirs la silhouette de Yul Brynner en roi de Siam, poings sur les hanches, crâne en miroir et pourpoint incrusté de diamants - il a interprété le rôle plus de 4500 fois de 1951 à 1985. Et enfin, parce qu'on pouvait croire que le film de 1956 (avec Deborah Kerr en Anna) et sa tonalité un peu chromo fixait cette comédie musicale pour les siècles des siècles. Malgré tous ces arguments, le Châtelet a relevé le défi. Avec la nouvelle production créée vendredi soir, il signe encore, après Into the Woods cette saison, un triomphe à faire pâlir Broadway! Jamais voyage à Bangkok n'a paru si amusant et somptueux. On plonge dans cette histoire avec un éblouissement d'enfant: couleurs ravivées, charme prenant, irrésistible drôlerie des répliques et, révélation de la soirée, Lambert Wilson formidable en roi de Siam.

Pour remonter The King and I, histoire inspirée par Anna Leonowens, authentique institutrice britannique recrutée par le roi Mongkut de Siam pour éduquer ses enfants vers 1860, il fallait un Anglais. Jean-Luc Choplin, le directeur du Châtelet décidément infaillible en matière de musicals, a choisi Lee Blakeley. Le metteur en scène relit la pièce avec une élégance enjouée, mais dans une fidélité parfaite. Chaque scène est ciselée loin d'un kitsch de pacotille: décors de paravents, costumes d'or et de couleurs, sans lésiner sur les accessoires comme en témoigne au dernier acte l'apparition d'un ravissant éléphant blanc. Même soin dans le casting: la plupart des enfants et des concubines du roi sont joués par des artistes asiatiques recrutés à Paris. Blakeley construit son récit, livret en main, oubliant le film, et sans autre souci que d'entraîner le spectateur dans ce rêve d'Orient: il orchestre avec une finesse nouvelle la rencontre entre ce roi tout puissant, entouré de ses concubines (le vrai Mongkut en avait 600), et une institutrice un peu raide, façonnée par l'esprit de l'Angleterre victorienne.

L'éclat des gamelans

C'est le choc de deux mondes éblouis l'un par l'autre. Certaines scènes comme l'apparition des enfants royaux soulignent la fascination, d'autres comme le bannissement de Tuptim, l'horreur et l'incompréhension. Mais Blakeley sort les personnages de la caricature, libérant l'émotion et l'esprit. Le roi de Lambert Wilson est certes candide, coléreux, égocentrique mais aussi rongé à mort par l'interrogation sur ce que doit être un roi. Anna, merveilleusement interprétée par la cantatrice Susan Graham qui place le chant au sommet, est une rousse en tempête, dévorée de colères, d'élans et de principes. Lisa Milne, vulnérable Lady Thiang, première concubine, traduit les déchirements d'une femme amoureuse et d'une mère, dans ces maintes scènes où les enfants, irrésistibles, semblent les vrais rois du récit.

Forcément, la musique et la danse sont souveraines. En dehors des airs, saillent des passages orchestraux reflétant l'Asie et attribués à Trude Rittman, dont on avait oublié le charme puissant: ainsi l'ouverture où passe l'éclat des gamelans, la marche écrite pour la présentation des enfants royaux ou, plus audacieux encore, les dissonances chantées de la scène de la case de l'Oncle Tom. La chorégraphie, conçue à l'origine par Jerome Robbins, est elle aussi joliment ravivée. Voilà trois heures de spectacle qui passent comme un souffle. Vertigineux pour un Paris-Bangkok!

Au Théâtre du Châtelet (Paris Ier) jusqu'au 29 juin. Rens.: 01 40 28 28 40.

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