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« Ariodante » malgré les intermittents

Deux interruptions dues à des actions de la part des intermittents du spectacle et le tonnerre dans le ciel n’ont pas eu raison de la première d’Ariodante, drame musical d’Haendel, qui se déroulait au festival d’Aix-en-Provence jeudi soir.

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ARIODANTE

Par Philippe Venturini

Publié le 4 juil. 2014 à 13:30

« Je n’ai jamais connu une première aussi triste » confiera la soprano Sandrine Piau. « Je n’ai jamais pensé arrêter » assure Andrea Marcon. Le chef d’orchestre italien a pourtant dû interrompre la représentation au bout de trente minutes, gêné par le tintamarre (cris, sifflets, klaxon) qui prenait possession de le cour de l’archevêché : une trentaine d’intermittents manifestaient très bruyamment dans les rues voisines perturbant la concentration des musiciens et l’écoute du public. La force publique finira par intervenir afin d’apporter le silence au bout d’une heure. Cependant, quelques indélicats avaient réussi à disposer des alarmes dans le théâtre dont les sonneries obligèrent à interrompre une seconde fois l’opéra.

L’électricité était donc dans l’air. Pas seulement dans la dernière demi-heure du spectacle, lorsque le tonnerre grondait, les éclairs se cabraient dans la nuit et quelques grosses gouttes commençaient à tomber. Avant même le début, quand un autre groupe d’intermittents alignés sur le plateau réclamait très maladroitement une minute de silence avant de faire écouter un extrait d’un entretien radiophonique avec Edwy Plenel, très politique, dénonçant les pratiques du Medef, propre à diviser le public et agacer certains spectateurs : les injures n’ont pas tardé à fuser. Autant d’obstacles appellent naturellement un compte-rendu bienveillant mais non complaisant.

Chronique sociale

Au récit médiéval opposant le chevalier Ariodante au duc d’Albany pour la conquête de Ginevra, fille du roi d’Ecosse, Richard Jones a préféré une chronique sociale dans l’Ecosse des années 1940-1950. Il n’y a plus de roi mais un patriarche qui porte le kilt et dirige sa maison d’une main de fer. Le décor unique enferme l’action dans cette demeure familiale où s’entassent des adolescents à l’air ahuri et aux origines vraisemblablement consanguines et installe rapidement le malaise. Polinesso, n’est plus un noble sans scrupule mais un pasteur diabolique et concupiscent. La transposition est donc audacieuse, contestable, mais assumée et recevable.

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Si l’affiche est belle, elle ne tient pas toutes ses promesses. Ainsi la mezzo-soprano britannique Sarah Connolly se montre-t-elle dépassée par le rôle-titre, courte de souffle, avare de sentiments et incapable de lui apporter la moindre envergure dramatique. Patricia Petibon pécherait en revanche par excès inverse : elle compose certes une Ginevra tourmentée, abasourdie qu’Ariodante puisse douter de sa fidélité (Polinesso l’a trompé) mais abuse des effets dramatiques, des accents, des poses. Cela dit, son personnage existe. Existe également, et avec quel tact et quelle intelligence, la Dalinda de Sandrine Piau, écervelée inconséquente dans le livret original devenue une malheureuse godiche qui considère les coups (ceux de Polinesso, qu’elle aime) comme d’ultimes témoignages d’affection. Sonia Prina impressionne par la virilité tatouée et sans-gêne de son Polinesso alors que David Portillo illumine Lurcanio, frère d’Ariodante, des grâces de son timbre de ténor.

Sollicité le lendemain de « La Flûte enchantée », le Freiburger Barockorchester doit s’accommoder des rigueurs du plein air mais fait montre d’une belle homogénéité malgré des cuivres fragiles. Andrea Marcon dirige avec souplesse et détermination, gradue les contrastes avec intelligence et sensibilité : la façon dont il dose le désespoir (les pleurs des bassons) et la colère (les rebuffades des cordes) dans le célèbre air où Ariodante croit découvrir l’infidélité de Ginevra (« Scherza infinda ») suffit à le prouver.

ARIODANTE, opéra de Georg Friedrich Haendel, mise en scène par Richard Jones, direction d’Andrea Marcon. Festival d’Aix-en-Provence ( www.festival-aix.com/), Théâtre de l’Archevêché les 3, 5, 10, 12, 16 et 18 juillet à 21 h.

Philippe Venturini

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