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Zaïs de Rameau au 32ème Festival de Beaune - Resplendissant comme au premier jour - Compte-rendu

beaune julian prégardien 2014
Le Festival de Beaune célèbre l’année Rameau, comme toutes les institutions musicales françaises ou presque. Mais dans son cas, avec une certaine légitimité. Puisque nous sommes au cœur de la Bourgogne, à quelques lieues de la ville natale du compositeur (Dijon), et que le festival s’enorgueillit depuis sa création en 1983 de la plus large place faite au musicien.
 
Mais Beaune ajoute sa touche personnelle, de celles qui signalent une manifestation d’exception. En l’espèce, la redécouverte ou la recréation d’ouvrages peu ou prou oubliés. Et de surcroît, par des interprètes de premier plan. Donc, pour cette 32e édition, place à Zaïs, un opéra qui n’était plus guère ressorti de son sommeil depuis l’enregistrement de Gustav Leonhardt dans les années 70.
 
Mais Zaïs n’est pas exactement un opéra, sinon un « ballet héroïque » ; ou plutôt une « pastorale » qui met aux prises des génies allégoriques avec des bergers et bergères, sur fond d’amours (vaguement) contrariées, de prodiges (de la machinerie) et d’omniprésents intermèdes dansés. Un divertissement d’une suprême élégance, en quelque sorte. Serti, qui plus est dans ce cas, d’une musique de la plus haute inspiration, digne de cette seconde période du grand Rameau (1748, en la circonstance) – à travers d’ardents moments lyriques soutenus par le chœur, et sauf peut-être et précisément pour certains passages de ballets, quelque peu attendus et répétitifs.    
 
En regard de son importance musicale essentielle, il reste étonnant que cet ouvrage ait dû attendre si longtemps son retour. Puisque l’enregistrement précité a lui-même peu marqué les annales. En l’occurrence, le concert de Beaune profite d’une édition de la partition, publiée l’an passé chez Bärenreiter sous l’égide de l’Association Rameau. Et nul doute, au vu de sa réussite éclatante (bientôt concrétisée par une gravure discographique), que Zaïs s’inscrira désormais parmi les grandes pages obligées de Rameau.
 

Christophe Rousset © Eric Larrayadieu

 
Car Christophe Rousset est ici le maître d’œuvre, avec l’acuité qu’on lui connaît au front de ses Talens Lyriques, dans les entrelacs complexes d’une partition qui les met à dure épreuve. Timbres acerbes, rythmes entrechoqués mais clairement affirmés, basses remarquablement distinctes, détails lissés et souffle d’ensemble : ils ne faillissent pas à leur splendide et redoutable mission. Ils sont secondés par un plateau vocal lui aussi pertinemment à son affaire.
Regroupant néanmoins des noms peu convenus : Julian Prégardien (photo) -le fils de Christoph -, ténor impeccablement de style baroqueux français, avec ses notes joliment filées en voix mixte ; Benoît Arnould, baryton de prestance et tout pareillement de facture adaptée ; Amel Brahim-Djelloul et Hasnaa Bennani, l’une et l’autre « dessus » à la virtuosité élégiaque. Marie Arnet campe pour sa part une bergère qui parfois s’apparente à une héroïne verdienne, mais se réserve pour un chant intensément évanescent (et des plus ramistes) dans ses sublimes pages finales.
Oublions deux rôles annexes masculins, pour s’enchanter et dresser des couronnes fleuries (ainsi que dans le livret). Qui reposeront tout autant sur les têtes du Chœur de Namur, qui excelle comme toujours. Même si, dans l’acoustique réverbérée de la Basilique Notre-Dame, il souffre de tout premiers décalages. Pour les mauvais élèves qui auraient manqué à Beaune ce concert immanquable, une séance de rattrapage est prévue à l’automne à Versailles.
 
Pierre-René Serna
 
Rameau : Zaïs (version de concert) - Festival de Beaune, 5 juillet 2014.  Reprise du concert à l’Opéra Royal de Versailles le 18 novembre 2014.
 
Photo Julian Prégardien © Gilles Brébant
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