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Le tourbillon de la comédie pour « Le Turc en Italie »

Dans la version du Turc en Italie proposée par l'Américain Christopher Alden, le mauvais goût revendiqué souligne à chaque instant la folie qui s'empare des personnages. BORIS HORVAT/AFP

Au Festival d'Aix-en-Provence, Christopher Alden met en scène l'opéra de Rossini dans une version burlesque et brillante.

Enfin! Après une première annulée à cause de la grève et une deuxième donnée en version de concert en raison de la pluie, la production aixoise duTurc en Italie de Rossini vit sa vie. Elle a même trouvé sa vitesse de croisière, à en juger d'après l'accueil chaleureux qui lui a été réservé dimanche soir, pour la cinquième représentation qui n'était en réalité que la troisième…

Si l'on juge la réussite d'une représentation à sa capacité à faire éclater le cadre fixé en répétition, le spectacle vu avant-hier avait l'étincelle qui met le feu aux poudres. Dans cette œuvre pirandellienne, où Rossini mêle les niveaux de réalité en imaginant un personnage de dramaturge qui manipule les autres comme des marionnettes, il est tentant de confondre fictif et réel. Raison de plus pour admirer la réactivité du baryton Pietro Spagnoli dans le rôle du poète: présent sur scène avant le début de la musique, censé réfléchir à la pièce qu'il n'arrive pas à écrire, il a intégré à son jeu la querelle née dans le public entre pro et anti-intermittents! Plus tard, il allait parvenir à surprendre sa partenaire Olga Peretyatko dans un récititatif qu'elle n'aurait jamais terminé si elle n'était parvenue in extremis à réprimer le fou-rire qui s'emparait d'elle...

Plaisir coupable

Si l'on n'avait su en consultant le programme que la mise en scène était de Christopher Alden, on aurait cru à un spectacle de Christoph Marthaler! Le canapé à fleurs, les toiles cirées, les tables en Formica, les attitudes petites-bourgeoises et les travestissements, on s'y croirait. Il ne va sans doute pas aussi loin dans la subversion, mais on avoue avoir pris un plaisir coupable à ce mauvais goût revendiqué, qui souligne à chaque instant la folie qui s'empare des personnages et guette le moment où tout part en vrille.

Très marthalerien aussi, ce personnage d'amoureux éconduit traité comme un pensionnaire d'hôpital psychiatrique victime tout à la fois d'un AVC et de la maladie de Parkinson! C'est résolument vulgaire, délicieusement sexy, souvent drôle: on peut associer à la comédie rossinienne plus de subtilité douce-amère, mais dans cette optique burlesque, c'est assurément virtuose. Dans le même esprit, la direction de Marc Minkowski à la tête des Musiciens du Louvre est extrêmement vivante et théâtrale, jouant sur le tourbillon du crescendo rossinien plus que sur la légèreté et la précision, ce qu'il est permis de regretter ici et là. Formidable distribution, avec en tête la Fiorilla éblouissante d'Olga Peretyatko, dont la présence déchaînée égale une dextérité vocale qui ne tourne jamais à l'exercice de style. Magnifique découverte avec le Selim du baryton roumain Adrian Sampetrean, voix pleine mais agile. Confirmation du génie comique et de l'art du verbe de Pietro Spagnoli et du vétéran Alessandro Corbelli en poète et en barbon, savourant le jeu d'acteur autant que les inflexions de la langue italienne, quitte à enrichir un peu le texte… On sera plus réservé sur le ténor Lawrence Brownlee, scéniquement bluffant mais dont le tenorino serré et acidulé reste affaire de goût.

Au Théâtre de l'Archevêché jusqu'au 22 juillet, à 21 h 30. Et sur Arte Live Web.

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