Caterina Cornaro de Gaetano Donizetti au Festival Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon

Xl_cat © Luc Jennepin

« Je ne la croyais pas inférieure à mes autres créations », confiait, avec une amertume non dissimulée, Gaetano Donizetti, à l'issue de l'échec napolitain de Caterina Cornaro, en janvier 1844. De fait, la partition, d'un intérêt certes inégal, possède néanmoins de sérieux atouts, révélant chez le compositeur un souci d'explorer de nouveaux territoires, d'atteindre à une concision et une intensité dramatique plus affirmées. Inspiré du livret de La Reine de Chypre, opéra de Jacques Fromental Halévy créé en 1841, à l'Opéra de Paris, le texte de Giacomo Sacchero épouse cette volonté de synthèse, exemplaire d'incisivité, de rythme et de construction théâtrale : l'ouvrage acquiert ainsi une vibration, une vigueur, qui ne peuvent qu'emporter l'adhésion. On comprend mal, dans ces conditions, pourquoi Caterina Cornaro a connu si peu de reprises au cours de ces cent soixante-dix dernières années, et l'on se souvient surtout des représentaions au San Carlo de Naples, en 1972, avec Leyla Gencer, et des quelques apparitions de Monserrat Caballé, immortalisées par deux fois au disque (à Londres, en 1972, puis à Paris en 1973).

C'est tout à l'honneur du Festival de Radio France Montpellier Languedoc Roussillon – et son souci de redonner leur chance à des ouvrages rares et méconnus -, d'offrir ce titre (ici dans sa version originale, donc celle de Naples) à un public festivalier ayant répondu présent à l'appel. L'action se déroule à Venise, puis sur l'île de Chypre, en 1472 et narre les aventures de Caterina Cornaro, noble vénitienne, et de Gerardo, un français, dont les projets de mariage volent en éclat quand l'intrigant Monecigo apporte un message précisant que Lusignano, Roi de Chypre, brigue également sa main. Après un certain nombre de rebondissements – dont le lent empoisonnement de Lusignano par Monecigo -, Caterina prend la tête du royaume de Chypre, tandis que son amant retourne à Rhodes, dont il a été fait Chevalier.

Un tel opéra tient pour beaucoup à la qualité de ses interprètes et, en particulier, à celle qui incarne l'héroïne du drame. Dans ce rôle complexe, nécessitant à la fois une santé vocale sans faille et des trésors d'intelligence dramatique, Maria Pia Piscitelli s'est montrée plus qu'à la hauteur. Si la soprano italienne ne distille pas les pianissimi et les sons filés de ses deux illustres devancières, elle parvient, en revanche, à traduire la psychologie du personnage par de simples variations d'intensité et de couleur, avec sa belle voix, longue et corsée. Elle récolte un triomphe mérité au moment des saluts.

Après nous avoir enthousiasmé à Lille dans La Finta giardinera, puis à Munich dans Guillaume Tell, le jeune ténor italien Enea Scala confirme - de manière éclatatante ce soir - qu'il est un des meilleurs chanteurs belcantistes de sa génération. Outre une palette vocale très diversifiée, un phrasé élégant et un timbre gorgé du soleil de sa Sicile natale, il possède dèjà – avec un art consommé – le sens des couleurs, de la dynamique et des nuances propres au belcanto. Il a fait délirer le public, après son air « Su, corriamo », grâce à l'insolence péremptoire d'aigus aussi sûrs que longuement tenus.

De son côté, le baryton italien Franco Vassallo campe un Lusignano noble et pathétique, avec une voix parfaitement timbrée et un phrasé sensible qui font mouche dans l'air où il se meurt :  « Orsu... Della vittoria ». Enfin, la basse française François Lis incarne chante un Monecigo puissant et menaçant à souhait, tandis qu'Yves Saelens (Strozzi) impressionne par sa vaillance et que Paul Gay s'avère touchant dans le rôle du père de Caterina.

Ancien directeur musical de l'Opéra de Francfort, Paolo Carignani semble trouver, dans cette partition aux teintes fortes et aux parfums rugueux, son terrain d'élection. A la tête de l'Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon - dont nous avons récemment vanté les nombreux mérites (cf : Nabucco aux Chorégies d'Orange) - et des choeurs conjugués de l'Opéra de Montpellier et de la Radio lettone, le chef milanais restitue, avec un immense pouvoir de suggestion, le climat agité et convulsif des scènes d'ensemble, très certainement les moments les plus réussis de l'ouvrage. Avec un juste sens des équilibres, il parvient également à illustrer le caractère descriptif de certains passages et les épanchements lyriques des protagonistes.

Emmanuel Andrieu

Caterina Cornaro au Festival de Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon

Crédit photographique © Luc Jennepin

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