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Les Parapluies de Cherbourg, un amour de spectacle

Marie Oppert et Vincent Niclo dans Les Parapluies de Cherbourg. (c)Marie Noëlle Robert

Cinquante ans après, le chef-d'œuvre de Demy est adapté au Châtelet. Michel Legrand dirige l'orchestre avec brio.

À vrai dire, on craignait de jouer le mauvais rôle. Celui du ronchon qui se retrouverait seul au milieu d'une salle en délire à trouver tout cela kitsch et cucul la praline. Eh bien, non. L'on a passé une délicieuse soirée. Explications? Évacuons le côté Madeleine de Proust: le lecteur se fiche pas mal de savoir que, petit, l'auteur de ces lignes écoutait en boucle le 33-tours de la bande originale des Parapluies de Cherbourg et en connaît encore toutes les répliques. Y compris celles qu'il ne comprenait pas. Concentrons-nous plutôt sur le fait que Michel Legrand a inventé quelques mélodies qui survivent de génération en génération, et que peu de compositeurs de musique populaire peuvent se targuer d'entretenir une telle connivence avec la postérité.

Certes, une heure et demie de musique de film, avec ses effets de répétition, ne fait pas forcément une comédie musicale. Mais le Châtelet a le mérite d'avoir anticipé cet écueil et tablé sur une version de concert mise en espace. Ainsi, tout ce qu'une mise en scène réaliste aurait eu de ridicule est évité au profit du pur plaisir musical, rehaussé par l'écrin d'un dispositif visuel tout en suggestion poétique. Deux artisans majeurs de cet art de l'allusion: le dessinateur Sempé, auteur de planches qui évoquent les lieux de l'action avec tout l'humour bienveillant qui fait son talent, et la créatrice des costumes Vanessa Seward, reine du camaïeu. Le metteur en scène Vincent Vittoz a eu l'humilité de ne pas déranger la fluidité des enchaînements. Entendons-nous bien: ce n'est pas que Les Parapluies de Cherbourgsoient datés, ils l'étaient à leur création. C'est un ovni musical, qui n'est d'aucune époque, c'est ce qui fait son charme, et l'ovation debout qui a tout naturellement salué Michel Legrand et les interprètes en atteste.

Natalie Dessay admirable

La solution adoptée met au centre l'orchestre, en l'occurrence le National d'Île-de-France dirigé par le compositeur, auteur d'une nouvelle orchestration résolument symphonique qui étoffe la partition sans excès de mauvaise graisse. Si la sonorisation donne l'impression désagréable que les voix ne viennent pas de là où elles sont émises, les chanteurs incarnent les personnages avec beaucoup de justesse, trouvant bien le naturel très artificiel de ce chanté-parlé si particulier.

Les comparses sont excellents, à commencer par la Madeleine finement musicienne de Louise Leterme. On s'incline devant l'intelligence musicale et théâtrale confondante de Natalie Dessay en Madame Emery pleine d'humanité, et de Laurent Naouri en Roland Cassard parfaitement en situation, les deux plus beaux rôles de l'ouvrage. Et puisqu'il fallait quand même jouer les grincheux, on signalera que Marie Oppert, qui a l'âge du rôle de Geneviève, est parfois fâchée avec l'intonation, et que le chant de Vincent Niclo est à la limite de l'amateurisme. Pas de quoi rompre le charme d'une très belle soirée nostalgie.

«Les Parapluies de Cherbourg», Théâtre du Châtelet (Paris Ier), ce soir à 20 h et demain à 16 h Réservation: www.chatelet-theatre.com

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