Dans les coulisses des “Parapluies de Cherbourg” au Châtelet

C'est la comédie musicale événement de la rentrée. Adaptée par Vincent Vittoz, avec Michel Legrand aux baguettes, Sempé aux décors et une jeune voix à découvrir : celle de Marie Oppert.

Par Laurence Le Saux

Publié le 11 septembre 2014 à 18h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h18

Sur scène, deux marins se baladent, des pompons sur la tête et un écriteau imaginaire entre les mains. Un peu plus loin, Michel Legrand, tout de jean vêtu, se prépare à diriger les soixante-quinze musiciens installés sur le plateau. Tandis que la chanteuse Marie Oppert brandit son téléphone pour prendre un selfie, bientôt rejointe par le baryton Laurent Naouri, qui tire la langue. Dans une ambiance mi-légère, mi-studieuse, ce petit monde prépare le filage (une répétition en conditions réelles, mais sans public) des Parapluies de Cherbourg – la bouleversante histoire d’un jeune couple séparé par la guerre d’Algérie, proposée ici en version symphonique et « mise en espace ». Le spectacle donné du 11 au 14 septembre au Châtelet à Paris, est déjà complet.

Pour les fans de Jacques Demy, l’événement est de taille. Certes, ce splendide film chantant, Palme d’or à Cannes en 1964, a déjà été monté au théâtre (à New York et Paris en 1979, à Londres en 2011). Mais jamais avec un tel orchestre, installé sur les planches au même titre que les interprètes. Forcément, on tremble un peu d’appréhension. Surtout lorsqu’on se remémore la catastrophique adaptation des Demoiselles de Rochefort commise en 2003 par Redha. Mais la liste technique rassure : à la « mise en espace » donc, Vincent Vittoz, défenseur de l’opérette et connaisseur de la comédie musicale ; à la baguette, Michel Legrand himself ; aux décors, Sempé. L’angoisse s’estompe un peu après 15h30, ce mardi après-midi. « Mesdames et messieurs, nous y allons », intime Vincent Vittoz à son équipe. Au fond de la scène, un grand écran bleu s’allume.

« C’est terminé ? Le moteur cliquette encore un peu à froid, mais c’est normal ! » Le garage où travaille Guy, jeune homme amoureux de la belle Geneviève, s’anime miraculeusement : tout le monde chante, évidemment, mais danse aussi. « J’aime pas l’opéra, le ciné c’est mieux », lance crânement l’ex-cantatrice Natalie Dessay – qui incarne Madame Emery, la mère de l’héroïne. Tous sont vêtus d’imperméables, portent un parapluie. Rapidement, un tableau est brossé : déposés par les marins, les dessins de Sempé campent un lampadaire, le comptoir d’un magasin, les clients d’un dancing… Pas besoin de décors monumentaux, ou de copies des incroyables papiers peints de Jacques Demy : avec sobriété, on se trouve projeté à Cherbourg. Mise en majesté, la subtile musique jazzy de Michel Legrand envahit la salle, jouant à part égale avec les chanteurs. Malgré leur belle omniprésence, on oublie rapidement les musiciens, en arrière-plan.

© Marie Noëlle Robert

Ni comédie musicale, ni opéra (« exactement entre les deux », assure Michel Legrand), ces Parapluies de Cherbourg épurés semblent prendre une dimension encore plus poétique. « L’œuvre déjoue le piège du romantisme, précise Laurent Naouri. Geneviève et Roland Cassard vivront peut-être une belle histoire, tandis que Guy et Madeleine [la jeune femme qu’il finit par épouser] imagineront certainement un quotidien qui leur convient. » Au Châtelet, à l’heure de la répétition des saluts, juste après le chœur final de l’œuvre, les larmes n'étaient pas loin. Par la magie d’une interprétation plutôt fine et d’une merveilleuse partition, sophistiquée et déchirante.

 A écouter : 42e rue sur France Musique, une émission spéciale avec une partie de l'équipe des Parapluies de Cherbourg.

A voir : Les Parapluies de Cherbourg, du 11 au 14 septembre, Théâtre du Châtelet à Paris.

Sur le même thème

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus