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« Castor et Pollux » à Dijon : Rameau dogmatique

Une mise en scène sinistre gâche ce « Castor et Pollux », pourtant bien chanté et finement dirigé par Emmanuelle Haïm à l’Opéra de Dijon.

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Par Philippe Venturini

Publié le 29 sept. 2014 à 13:06

Barrie Kosky avait prévenu : « « Il n’y a pas de frou-frou, pas de perruques ou de grandes robes ». Le directeur du Komische Oper de Berlin d’où vient cette production à l’affiche de l’Opéra de Dijon, a en effet supprimé tout élément de décor et évité toute référence au XVIIIe siècle de Rameau.

Il enferme l’action dans une grande boîte en bois comme pour affirmer le huis-clos que peut suggérer un livret où évoluent des personnages venus de l’Antiquité. Castor et Pollux, son frère, aiment tous deux Télaïre. Prête à épouser le second alors qu’elle se promet au premier, elle doit aussi affronter la jalousie de sa sœur Phébé, éprise de Castor. Ainsi exposé, l’argument (il s’agit de la seconde version de la pièce) justifie la volonté du metteur en scène australien de pas en « parasiter l’interprétation » et de la concentrer dans un espace « grand, austère ».

Barbouillages et convulsions

On comprend vite que Barrie Kosky n’a voulu lire cette histoire qu’avec des lunettes noires (« Familles, je vous hais ») et que rien ne l’intéresse davantage que les sombres projets de Phébé. Mais pour nous convaincre que « Castor et Pollux » pourrait être un film du Dogme, il n’hésite pas à faire des coupures, à négliger les rôles secondaires et à se débarrasser de toute chorégraphie, élément pourtant consubstantiel à l’opéra français : certaines danses ont disparu, d’autres sont à peine audibles, couvertes par les pas lourds des choristes obligés de s’agiter.

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Fallait-il également barbouiller les hommes du sang des combats, contraindre les femmes à se projeter sans cesse contre les murs et animer les corps de convulsions ? Ce traitement hystérique ne peut cacher longtemps les limites d’une interprétation plus paresseuse (écarter les obstacles au lieu de les surmonter) qu’audacieuse, oublieuse de l’amour fraternel, érigé en modèle d’amitié qu demeure le vrai sujet de cette œuvre.

Distribution de haut vol

La partition se montre heureusement mieux servie, magnifiée même, par le chœur et l’orchestre du Concert d’Astrée (l’homogénéité, les contrastes, les couleurs), conduits avec assurance par Emmanuelle Haïm. Si Pascal Charbonneau rencontre des difficultés manifestes avec le rôle très tendu de Castor et chante souvent en force, le reste de la distribution mérite les plus vifs éloges.

Gaëlle Arquez, superbe de ligne et d’intelligence dramatique, réussit à faire exister le caractère difficile car un peu caricatural de Phébé. Exemplaire d’éloquence et de délicatesse mais aussi de détermination, Emmanuelle de Negri compose une Télaïre aux nobles accents tragiques. Et Henk Neven donne à Pollux la noblesse et la grandeur d’âme indispensables à cet immortel, car fils de Jupiter, prêt à se sacrifier pour son frère mortel Castor. Sans frou-frou ni perruques.

CASTOR ET POLLUX de Jean-Philippe Rameau. Direction musicale : Emmanuelle Haïm. Mise en scène : Barrie Kosky. A l’opéra de Dijon (www.opera-dijon.fr) jusqu’au 4 octobre puis à l’opéra de Lille (www.opera-lille.fr) du 17 au 25 octobre. 3h entracte compris.

Philippe Venturini

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