Vaisseau fantôme, vaisseau magique
A L’Opéra de Lyon, l’épopée wagnérienne du Vaisseau fantôme est magnifiée par La Fura dels Baus.
- Publié le 28-10-2014 à 18h03
- Mis à jour le 29-10-2014 à 13h14
Mythe ancestral que celui du Hollandais volant, condamné à une errance éternelle sur les mers qu’aucune mort ne peut venir interrompre. Mythe ancestral, sans doute, mais magnifiquement servi par les dernières technologies de la vidéo dans la production que vient de présenter le Belge Serge Dorny à l’Opéra de Lyon. A la barre de ce Vaisseau aussi magique que fantomatique, des personnalités que l’on connaît bien à la Monnaie : Alex Ollé du collectif catalan La Fura dels Baus à la mise en scène (il avait signé "Le grand macabre" et "Œdipe" à Bruxelles, et y reviendra en avril pour "Un ballo in maschera"), et Kazushi Ono - longtemps directeur musical de la maison bruxelloise - dans la fosse. Mais aussi et surtout le décorateur Alfons Flores, collaborateur régulier de La Fura dels Baus mais pas seulement : l’arbre géant de la récente "Daphne" de la Monnaie, c’était lui aussi.
Saisissants effets
Rarement, on aura vu prélude aussi réaliste ! Une sorte d’équivalent lyrique de "L’arrivée du train en gare de La Ciotat" : la proue anguleuse d’un immense paquebot, battue par des flots tempétueux - formidables effets vidéo de Franck Aleu occupe toute la hauteur de scène et s’ouvre en son sommet pour laisser passer Daland et son équipage. On s’étonne presque de rester au sec dans la salle tant cette mer est plus vraie que nature. La suite révélera des dunes de sable où un peuple d’ouvriers démantèle peu à peu le bateau avant que les spectres de l’équipage du Hollandais - saisissants effets vidéo à nouveau - s’en échappent et que les flots viennent à nouveau tout envahir au final. Une splendide réussite visuelle, mêlant respect du mythe - avec un Hollandais blême à souhait - et relecture contemporaine discrète : Ollé voit ce chantier naval de démolition comme une des pires incarnations du capitalisme moderne, celui où des pères sont - comme Daland - prêts à vendre leur fille au premier venu pour un sac de bijoux.
On regrettera certes que, refroidissements aidant, la distribution n’ait pas atteint les mêmes niveaux d’excellence que la mise en scène : Simon Neal est un Hollandais d’une humanité bouleversante mais à la voix fragile, tandis que l’aigu de Magdalena Hoffman n’a pas toute la sûreté qu’on attend d’une Senta. Impeccable par contre, le Daland de Falck Struckmann. A la tête de son excellent orchestre de l’Opéra de Lyon, Kazushi Ono soutient le drame plus qu’il ne le conduit, avec çà et là quelques relâchements de tension.