Tosca, les vertus de la tradition
Belle reprise du célèbre opéra de Puccini. Arrivabeni en grande forme.
- Publié le 28-12-2014 à 16h19
- Mis à jour le 29-12-2014 à 13h11
A l’opéra aussi, la tradition a ses vertus. Certes, elle peut parfois être sclérosée, stérile ou poussiéreuse. Mais, bien comprise, elle peut être aussi le gage d’un plaisir scénique et musical et, ce qui ne gâche rien, d’un contact direct du public avec l’œuvre qu’elle sert. Initialement donnée à l’Opéra Royal de Wallonie en 2007, la "Tosca" mise en scène par Claire Servais en est la preuve discrète mais évidente : ceux qui cherchent à retrouver l’essence du chef-d’œuvre puccinien, sans détournement ni contresens, seront gâtés.
Pas de transposition temporelle ici. Pas non plus de film sous-jacent, de sexe ou de plexiglas. Nous sommes bien à Rome au début du XIXe, et l’impitoyable Scarpia traque les voltairiens et autres opposants politiques. Décors sobres mais élégants, costumes historiques fidèles et très belles lumières d’Olivier Wéry : Servais n’invente rien, révolutionne moins encore, mais sa lecture est d’une lisibilité parfaite. Priorité au récit, aux sentiments de chaque protagoniste, au climat de chaque scène.
Avec Raimondi en Scarpia
Comme en 2007, Ruggero Raimondi est venu à Liège (en alternance cette fois avec Pierre-Yves Pruvot) incarner Scarpia. A 73 ans, le célèbre baryton-basse italien est peut-être moins basse et surtout baryton : le grave manque, et le timbre n’a plus toute la richesse qu’on lui a connue. Mais l’intonation reste impeccable, la projection remarquable, les phrasés expressifs : et Raimondi, avec sa haute stature et son autorité naturelle, est et reste un Scarpia évident.
Coup de chapeau pour la Floria Tosca de Barbara Haveman : la soprano néerlandaise, révélée au public liégeois voici plus de dix ans par Jean-Louis Grinda quand elle était encore à ses débuts, a bien mené sa barque depuis, allant jusqu’à incarner l’héroïne puccinienne à la Staastoper de Vienne. Elle maîtrise superbement toute la tessiture du rôle, dose idéalement le feu et l’âme, et son Vissi d’arte est le climax attendu. Digne d’éloges aussi, le Mario de Marc Laho : si l’acteur manque parfois un peu de tension, la voix du ténor liégeois s’épanouit avec opulence de Recondita armonia à E lucevan le stelle.
Ce n’est d’ailleurs pas le moindre mérite du plateau vocal réuni par Stefano Mazzonis que de laisser la part belle aux régionaux de l’étape, avec aussi l’excellent Angelotti de Roger Joakim et le Sacristain très présent de Laurent Kubla.
Mais la réussite de la soirée n’aurait pas été aussi évidente sans la baguette superbe et subtile de Paolo Arrivabeni. Non seulement, l’Orchestre de l’ORW se montre en grande forme, confirmant l’importance primordiale du travail en profondeur d’un directeur musical : tout au plus rêverait-on parfois de cordes plus diaphanes à l’acte 3. Mais il y a en outre cette capacité du chef italien d’éclairer adéquatement chaque moment de la partition, de diversifier les climats et les couleurs, de passer du soyeux à l’éclat sans jamais couvrir les chanteurs.
Liège, Théâtre Royal, jusqu’au 2 janvier; aussi à Charleroi le 10; www.operaliege.be